Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Avant-propos sur Compagnon

Chapelle du Cantal.JPG

Le texte de mon émission du 12 juin sur 90.1 commencera ainsi, à 18 heures : (RADIO LA CLE DES ONDES A BORDEAUX) :



    L'auteur, Antoine Compagnon, est professeur au Collège de France et aux
Etats-Unis, ramassis d'incultes comme chacun sait, et qui nous nique profond. Sa préface est confondante : tous les reproches que l'on pourrait faire à cet "été avec
Montaigne, il se les est déjà faits à lui-même : dix minutes par jour à l'heure du jeu des Mille francs devenus Mille euros, pour un tel auteur, c'était du charcutage, du massacre. Il était, il est toujours de bon ton, de présenter une oeuvre avec tout le falbala prévu, "in extenso", gravement, universitairement. De noyer son lecteur d'une bienfaisante érudition, à l'ancienne, avec marbres et volutes.
    Mais, nous répète-t-on, l'époque (maudite époque, et ne la maudissez pas, "car vous n'en connaîtrez aucune autre") est celle du zapping, en québécois du "pitonnage" : on change ce chaîne, de femme, de chaussettes, dès que la couleur ne nous plaît plus.
Pour ceux qui veulent vraiment se faire chier, il existe France Culture. Pour ceux qui veulent considérer Montaigne ou Mozart comme des "compagnons", justement, il y a les assassins de Radio-Classique ou monsieur Lodéon, qui désacralisent la révérence en diffusant des extraits de trois à cinq minutes, de préférence un troisième mouvement, pas plus longtemps qu'une chanson de Charles Trenet ou de Higelin. Et ça marche.
    Quantativement, ça marche. Les extraits classiques, ça se laisse écouter, on peut bouffer des chips sur du Bach, c'est populaire, après tout Bach, Montesquieu, Bécassine, c'est ma cousine, Chopin, c'est mon copain. Et cela fonctionne à la façon d'un hameçon poil au caleçon, les uns s'en tiennent là mais peuvent toujours ne pas se faire larguer dans une conversation, les autres approfondissent, creusent, élargissent,
comme un accoucheur de siamois. Peut-être que c'est bon pour le qualitatif, pour la culture, dont j'ignore la définition.
    Il se dit tout cela, l'auteur, sous son parasol, et il fonce quand même ; enfin, doucement, mais consciencieusement, au rythme de Montaigne, d'un jour sur l'autre en pleine chaleur estivale, anno secundo millesimo duodecimo, 2012 pour les non-latinistes enfin triomphants. Je vais vous dire franchement : ce petit livre jaune, sauf le respect que je dois à Monsieur le Maire de Bordeaux nommé de Montaigne (on attend toujours les essais de M. Juppé, sa femme a fait paraître "La femme digitale " ce qui dès le titre prouve un aveuglement funeste aux interprétations délirantes et d'autant plus révélatrices)  - ce livre est chiant. Parce que tout est trop court. Mais l'auteur l'a dit. Parce que nécessairement, ça reste superficiel. Mais Compagnon l'a dit. Parce que ça tourne court, avec des conclusions très plates dignes en effet de la pensée minimum, et ça, il ne l'a pas dit, attrape.
    Parce que ça veut faire croire que Montaigne s'occupait de féminisme et de vie quotidienne pleine de contacts, ce qui bon pour nous mais ne voulait pas dire grand-chose au XVIe siècle : plaquer nos petites problématiques à faire bâiller sur le contexte de la Renaissance, ça ne colle pas. Parce que le texte de Montaigne, même en orthographe moderne, c'est contourné, c'est ardu, rempli d'aspérités, difficilement saisissable : on parle de nonchalance, on pourrait dire négligence (le texte fut dicté, non écrit, seule les annotations en marge sont de la main de Michel de), balade bon enfant, dans une langue savoureuse et archaïque mais qui n'est plus la nôtre.
    Montaigne apporte tant de correctif à ses douceurs que l'on en vient à se demander ce qu'il veut dire, ce qu'il pense vraiment. Alors, ce que je reprochais à Compagnon, c'est de paraphraser : "Tu me dis que la Princesse vient de se retirer dans son dônjôn", mais le moyen vraiment de faire autrement pour le brave auditeur qui ne veut pas de casser la tête avant les infos fermer les guillements. Il faut bien se mettre à la portée de tout un chacun, de cada cada, et lui montrer une pensée toute simple. Ce qui transforme volontiers, insensiblement, Michel de Montaigne en pépère bien modéré,  qui pense à peu près comme tout le monde de nos jours (quel précurseur ! mais quel rasoir !) en une époque où l'on se trucidait pour des raisons de chiisme ou de sunnisme, pardon de catholicisme ou de protestantisme.
    Et chacun de se dire : "Après tout, je fais comme Montaigne, je suis pacifiste, j'aime bien les femmes, je donne raison à tout le monde, je suis un brave homme qui ne ferait de mal à personne même à une mouche avec des gants de boxe, passons à Claire Servageant qui a failli être érotique à un "i" près... Montaigne, à part quelques exceptions, n'a jamais suscité en moi, le plouc, d'adhésion, d'émotion particulière. Nous savons que l'homme a bien chevauché, négociant avec le futur Henri IV, manquant de se faire tuer à cause de sa modération - car en ce temps-là, il fallait choisir son camp et vite, nous savons tout cela, qu'il cherche à se faire passer pour un jouisseur sans excès, pour un adepte du "carpe diem" ah merde encore du latin élitiste, alors qu'il fut sans doute extrêmement agité, habile, politicien, etc.
    Hélas, ce livre est trop touche à tout, comme celui dont il traite, mais Compagnon l'avait dit...

 

 

°

 

Commentaires

  • Montaigne ne m'a jamais plus attiré que ça... Etienne de la Boétie, c'est bien plus drôle... et plus court. Ceci expliquant peut-être cela... parce que c'était lui, parce que c'était moi...

    Compagnon a écrit un texte que je relis souvent sur l'ennui comme un mal nécessaire. Il y pourfend le plaisir de livre, cette expression qui ne veut rien dire...

  • ... je voulais dire le plaisir de lire... et non le plaisir de livre... mais de toute manière, les deux ne veulent rien dire.

Les commentaires sont fermés.