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Montesquieu l'érudit

 

Après bien des notules érudites, après tant de poussières soulevées, nous en sommes à présent à celles de Louis, dit le Débonnaire, fils de Charlemagne. Auguste avait fait ouvrir, nous dit Montesquieu, le tombeau d'Alexandre. Interrogé si l'on devait ouvrir ceux des Ptolémées, il répondit : “Je suis venu voir le Roi, non les morts”. Le baron de Labrède interroge les successeurs de Karolus Magnus : ce sont là des morts. Louis fait crever les yeux de son neveu, multiplie les inimitiés : “violents”, “irrécociliables”, “ardents à l'offenser”. Il confond les vengeances personnelles avec les affaires de l'Etat. Est-ce donc par antiphrase qu'il fut nommé le Débonnaire ? Ennemis “insolents”, “déterminés à le perdre”. Charlemagne épuisait sa noblesse à le suivre de campagnes en campagnes ; celui-là répand ses cruautés absurdes. “Et” ses ennemis “l'eussent perdu deux fois sans retour, si ses enfants, dans le fond plus honnêtes qu'eux, eussent pu suivre un projet, et convenir de quelque chose.” Ce qui laisse entendre que les fils de Louis le Débonnaire ne parvinrent pas à s'entendre avec ses ennemis, par esprit brouillon, et dépourvu de revanchardise. Il me semble qu'ils étaient trois, et se partagèrent l'empire. Montesquieu continue “le même sujet”, afin de ne pas lasser le lecteur par de trop longs chapitres : “La force que Charlemagne avoit mise dans la nation subsista assez sous Louis le Débonnaire, pour que l'Etat pût se maintenir dans sa grandeur, et être respectée des étrangers.” Que pouvons-nous ajouter. Commode après Marc-Aurèle commença tout de suite à tout ruiner.

 

Les fils bien souvent sont plus cons que leurs pères. “Le prince avoit l'esprit foible ; maisla nation étoit guerrière.” Ce qui semblerait risible aujourd'hui. Mais conserver son esprit d'aujourd'hui dans les faits historiques est la ruine même de la notion d'histoire. Nous lisons en même temps des élucubrations déclinistes. Pourtant elles se confirment chaque jour davantage. Être guerrier est devenu le pire des péchés. Même se défendre est sévèrement puni. Mêler ici nos préoccupations contemporaines semble dérisoire. “L'autorité se perdoit au dedans, sans que la puissance parût diminuer au dehors.” C'étaient des temps tribaux. Il y avait le pays, et l'extérieur du pays. Les déplacements étaient aventureux.

 

Le cheval régnait. Qui peut imaginer cela ? Dieu imprégnait tout. Il était pris au sérieux. “Charles Martel, Pépin et Charlemagne gouvernèrent l'un après l'autre la monarchie”. Charles Martel était maire du palais, élu. Il devint roi. La seconde race, des carolingiens, succédait à la première, mérovingienne. On se battait à coups de masse. Les Arabes ou Sarrasins se faisaient repousser sans que cela fît tant d'histoires. Charles Martel est pris pour un fasciste, dans une perspective de sottise absolue. Pépin reste oublié : “Monté sur un lion, je suis aussi grand qu'un autre”. Charlemagne sera bientôt pris pour un roi décapité. Je ne connais plus rien que l'ancien. Il faut des gardiens de mémoire. “Le premier flatta l'avarice des gens de guerre”, entendez leur cupidité.”Donne aux soldats, et néglige tout le reste” : derniers mots d'un empereur romain. “Les deux autres, celle du clergé”.

 

Le clergé régnait sur tous, comme aujourd'hui les économistes. On ajoutait foi aux fables des uns comme on vénérera les autres, alors qu'ils ne sont tous en fait que des astrologues. Et le clergé leva la dîme pour sa subsistance, obtint l'équivalent de fiefs. On se lavait à l'eau froide. La vie était saine. On mourait jeune. Les curés, les évêques, plus longtemps. “Louis le Débonnaire mécontenta tous les deux”. L'épée, le goupillon. Mon père disait que c'était un bon roi, vu son surnom sans doute. Dans la première édition de L'Esprit des lois, Montesquieu dit que c'était ses enfants. Il a rectifié. Louis le Germanique, Lothaire, Charles le Chauve. Dis-moi si je me trompe. Je ne sais pas à qui je m'adresse. “Dans la constitution françoise, le roi, la noblesse et le clergé avoient dans leurs mains toute la puissance de l'Etat”. Cela plaisait à Montesquieu. Il ignorait qu'on le classerait à tort parmi les précurseurs d'une certaine “Révolution française”, que personne n'a comprise, puisque je ne l'ai pas comprise.

 

Dont “les trois quarts et demi du monde ignore qu'elle a eu lieu”. Montesquieu veut établir les droits sacrés, inamovibles, de la noblesse, dont il fait partie. Noblesse de robe je crois. De Secondat de Labrède, ignorant que les têtes prolétaires en grand nombre tomberaient sous l'impulsions de génie fanatiques. Aller-retours d'un temps à l'autre, comme Chateaubriand, comme moi comme moi comme moi. “Charles Martel, Pépin et Charlemagne se joignirent quelquefois d'intérêts avec l'une des deux parties pour contenir l'autre, et presque toujours avec toutes les deux.” Du paysan, il n'est pas question. Les hommes ont une histoire. Les animaux n'en ont pas. Les hommes répètent sans cesse le même cercle.

 

Les Chinois disaient : “Nous avons eu Dieu sait combien de ces fameuses “Communes” dont vous nous bassinez. Nous avons vécu tout ce que l'Occident vit.” Les humains se répètent. Rentrons la tête dans le sable et naviguons à vue de grains. “...mais Louis le Débonnaire détacha loin de lui l'un et l'autre de ces corps.” Ne reste que l'éloignement, le froid aux pieds et l'envie de lire, de poursuivre sans fin sa lecture tant qu'elle est bonne et instructive. Il est bon de lire, afin de répéter. D'aligner des plaisanteries comme des bidasses au mur. “Le reste du chapitre est une addition de 1758” - mais il était mort depuis trois ans, votre auteur : l'a-t-on restitué d'après ses notes ?

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Qui a rédigé cette fin ? A-t-on repris une édition antérieure ? “Il indisposa les évêques par des règlements qui leur parurent rigides, parce qu'il alloit plus loin qu'ils ne vouloient aller eux-mêmes” : des règlements progressistes, alors ? Le Débonnaire, progressiste ? C'et le même que Louis le Pieux. Je viens de le vérifier. Mon père me l'avait appris, nous reprenions toute l'Histoire de France au début de chaque année. Jamais nous ne dépassions Waterloo. L'histoire pour mon père s'arrêtait à Waterloo. Louis le Pieux Débonnaire mourut en 840. Ses enfants se révoltèrent contre lui. “Il y a de très bonnes lois faites mal à propos”. Dans la bouche de Montesquieu c'est un blâme de poids. Comment peut-il y avoir des lois “mal à propos” ? Est-ce parce qu'il fallait consolider l'Empire à la mort de Charlemagne ? Jouer le grand rassembleur ? Les évêques, accoutumés dans ces temps-là à aller à la guerre contre les Sarrasins et les Saxons, étoient bien éloignés de l'esprit monastique”. Voir en effet la Chanson de Roland. Ils ne répandaient pas le sang, et pour cela ne tuaient qu'à la masse... 

 

Commentaires

  • Foutons-nous donc des moeurs d'autrefois. Nos descendants se chargeront de se foutre des nôtres.

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