La Dama azul
C'est bête, je vous ai tout dit. Le suspense est annulé. Si ça se savait, mon bon monsieur, l'Eglise universelle serait soupçonnée de fraude comme un vulgaire François Coppé, et ce ne serait pas bon du tout : le catholicisme s'effondrerait, notre pape serait bel et bien le dernier, comme il est prédit par les prophéties dites de saint Malachie. L'ennui est que l'on croit parce que c'est absurde : credo quia absurdum ou mieux quia ineptum, quia impossibile. La réponse est imparable : plus c'est con, plus j'y crois. Mais ne versons pas dans l'irrespect, et ne désespérons pas sinon Billancourt du moins l'épiscopat. N'oublions pas que c'est le martyre qui crée la foi, et non pas la foi le martyre. Et passons au texte, dont nous allons tâcher de livrer une traduction pas trop déshonorante. Cela débute en juillet 1629 à en croire des documents, peut-être vrais, peut-être apocryphes, pero ¿ quién sabe ?- qui sait ? Et le premier qui me répond « le plombier » je lui fous mon poing sur la gueule. No se debe así ironizar con cosas de religión... « L'indienne prit la bible entre ses mains, la baisa avec tendresse et cria quelque chose d'incompréhensible qui répandit l'agitation chez ses compagnes.
« Cette femme arborait une chevelure blanche et vénérable répartie en deux tresses. Elle ne montra pas la moindre hésitation. La tenant dans ses bras elle la fit passer parmi les siens, la leur faisant toucher. Il y eut des malades qui baisèrent la couverture sombre des Ecritures comme s'ils espéraient guérir par ce geste. Il y en eut même qui se jetèrent au sol en implorant la bénédiction du Livre. Mais la plupart se contentèrent de l'efleurer de la pulpe de leurs doigts.
« - Sans aucun doute, c'est une manifestation divine.
« Mais les frères ne sortaient pas de leur stupéfaction.
« - Personne ne nous croira quand nous raconterons cela !
« - Ils le feront, mon frère. L a foi de ces gens-là nous rendra crédibles. »
Sans transition, faisons un saut de huit siècles trois quarts et transportons-nous, cette fois par l'imagination, dans la cité du Vatican, où sévit l'Américain de service : « Il dottore Albert se tint pour satisfait par les déclarations de Giuseppe Baldi. Le bénédictin n'avait pas la moindre idée sur l'identité de la mystérieuse visiteuse du Père Corso » tombé de la fenêtre, « et, pour autant que les deux le sussent, il n'allait pas être facile de la retrouver » - c'est la dernière à l'avoir vu vivant : l'aurait-elle transporté au XVIIe siècle ? « Corso avait été aussi enseignant du secondaire et il recevait fréquemment des élèves garçons ou filles sur les lieux de son enseignement. Même s'il était peu probable que l'une de ces jeunes filles portât des chaussures rouges, ni qu'elle eût revêtu un costume classique comme celui décrit par le concierge à la police, la description pouvait correspondre à la mère d'une étudiante. Ou peut-être à l'une de ses collaboratrice à Radio Vatican.
« - Ecoutez-moi bien, Albert. Avant de mourir, le Père Corso m'a écrit pour me mettre au courant de ce que vous aviez synthétisé les fréquences sonores nécessaires à la vision du passé par une autre personne. Est-ce sûr ?
« - C'est vrai, approuva-t-il. Tout nos résultats se trouvaient sur le disque dur qu'ils ont effacé de son ordinateur. Mais je dois vous dire que nous sommes arrivés à quelque chose de plus que de contempler le passé.
« - A quoi faites-vous allusion ?
« - Vous verrez, mon Père. Obtenir des images et des sons du passé était l'objectif principal de la chronovision. Le Vatican s'était seulement proposé de jeter un coup d'œil à l'histoire. Nous, en revanche, nous avons découvert que nous pouvions y intervenir. Et passer du rang de simples spectateurs à celui d'acteurs a transformé le projet initial en quelque chose de bien plus important que ce que personne ait jamais imaginé. »
Ce thème est récurrent dans nombre de nos films ou livres de science ou de fiction, de Borgès à L'armée des 12 singes. Notre curiosité s'en trouve puissamment stimulée. La dame bleue présente tous les ingrédients pour constituer une histoire passionnante, longuement exposée, l'enquête progresse, dans une grande connaissance de la composition et de la progression littéraire, mais que d'hérésies, mes frères, à se faire dresser les cheveux sur la tête : raison de plus pour lire, en français ou en espagnol, La dama azul, de Javier Sierra – il est vrai que « Xavier Lamontagne », ça le fait pas. ¡Olé !