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Amadeus, accelerato

 

Les rires de Tom Hulce :« du métal rayant du verre », écrivait un contemporain - ponctuent le film Amadeus de Formàn comme autant de ruptures obscènes, montrant à la fois une explosion de joie animale, une extrême sensualité, une ridiculissime bouffonnerie ; une joie de vivre hystérique, une intense fêlure d'angoisse, la soudaine remontée en surface d'une incontrôlable pulsation tellurique, sismique, volcanique. Nul n'a enregistré bien sûr le rire de Mozart : ici, un véritable hennissement, complètement niais, attachant pour certains, parfaitement exaspérant et ridicule pour d'autres – qui n'hésitent pas à le qualifier de "parfaitement con". Pourquoi ce rire trouve-t-il sa place en ce MORS, MORTIS ? Parce que "l'homme est un bouffon qui danse au-dessus d'un précipice" dit Pascal, ce qui s'applique très particulièrement à notre héros, mais surtout parce que les six séquences où éclate ce cri d'enfant ou de bête furent rassemblées, condensées, juxtaposées dans une séquence vidéo exceptionnellement glaçante : on les entend à la file, en accéléré, puis la dernière scène laisse entendre l'horrible et trivial glissement de la dépouille du génie, coulissant du cercueil à la fosse, dans un nuage de chaux.

 

L'épouvantable contraste accélère à ce point l'existence du génie que nous éclatons d'un irrépressible hurlement d'hilarité nerveuse, et nous sentons "le serpent froid" s'enlacer autour de notre échine. Et nous nous rappelons cet atroce refrain de Robert Lamoureux – paroles de Mouloudji :

 

"Tu n'es qu'un maillon d'la chaîne

 

 

Angle sur nef.JPG

Tu n'es qu'un moment d'la vie

 

Un moment de joie de misère

 

Et puis on t'enterre

 

Et puis c'est fini."

 

...Quant à l'enfouissement dans la fosse commune, il est à mettre dans le même sac que ce fameux chien de Mitterand qui suivait le cercueil de son maître, par ce qu' "il voulait un os" - bon, je sors - Mozart fut en fait enseveli de façon parfaitement honnête, dans une tombe communautaire de seize places (les cimetières de Vienne étaient surchargés), en troisième classe, comme tout le monde : sa veuve désespérée (qui n'assistait pas aux obsèques, ainsi que le faisaient toutes les honnêtes femmes de son temps) n'aurait pu payer plus, soit aux environs de 11 florins. Le cercueil, en effet, pour ce prix-là, était réutilisable... Les croix et inscriptions étaient interdites, par manque de place. Et puis, en ce temps-là, bien plus humble et religieux que nous n'imaginons, cela n'avait aucune importance, surtout pour Mozart lui-même, franc-maçon comme on sait.

 

Ce n'est guère que depuis deux siècles que nous accordons une grande importance aux tombes et à leur visite. Cette coutume est d'ailleurs, si l'on peut dire, en perte de vitesse. Beethoven, Brahms, ont leurs tombes, dans le "carré des musiciens" du cimetière de Vienne, à visiter de préférence un jour de vent et de neige. Mais Wolfgang, "La trace du loup", n'a pour nous émouvoir qu'un cénotaphe, un "tombeau vide".

 

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