Proullaud296

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Second degré garanti

 

10 septembre 2045

 

Je perds mon temps. Carrément. Je devrais préparer mes cours pour le lendemain, et je joue avec le feu. Déjà j'ai dû accompagner Annie à sa clinique pour qu'elle y subisse une "épreuve d'effort" auprès d'une cardiologue. Complètement immature et affolée, la vraie bonne femme des années 50. J'écris pour rien. Je me rends compte que tout ce que j'écris passera à la trappe sans avoir jamais été publié. Je voudrais revenir à l'état antérieur, quand les libraires publiaient n'importe quoi, le système me semblait beaucoup plus sain, les éditeurs s'arrogeant désormais le droit de décider de ce qui est publiable, de ce qui ne l'est pas, c'est une véritable entrave à la liberté d'expression. L'arbre.JPG

 

Ils se sont tellement discrédités en faisant passer leurs copains à la place de ceux qui savaient écrire, que l'on devrait rayer d'un coup toute la la profession. Je devrais m'acheter un ordinateur. Malheureusement, avec le peu de fric dont nous disposons, Annie veut s'acheter un piano, et bazarder l'orgue. Enfin ! tant que Christian Barbelé n'y met pas le nez...

 

Hier Sullivane est passée, charmante de profil malgré ses cinquante ans passés. C'est ça qui est emmerdant avec les gens : ils vous ont à la présence physique. Je rapporte du vin basque à Pollyx, sachant que je ne pourrai même pas y goûter. Ce que je veux dire avec ce détour est que je me réfugie de plus en plus dans la saveur de ma petite vie étroite, écrivant pour ma petite bulle, attendant je ne sais quelle réhabilitation du futur...

 

Très sensible aussi, tout en feignant de ne plus rien ressentir, voir cette frénésie de contacts quand je me suis retrouvé enfin avec ceux de ma caste, une volubilité, un désir de faire raconter à Pilpa son séjour à Istamboul, "Je suis boulimique" disait-il, "istamboulimique".

 

Au repas de rentrée, coincé avec deux blondes bon chic bon genre et le conseiller d'éducation, avec qui je ne voyais vraiment pas quoi dire, non plus qu'aux les deux bonnes femmes, qui ne faisaient même pas partie du personnel à proprement parler, ne devant y assurer que de vagues permanences une fois par semaine... Je suis parvenu tout de même à relancer la conversation avec des remarques anodines, démontrant l'avidité qu'il y avait pour tous à sortir de ce silence et de ces embarras...

 

C'est la dernière fois qu'on me reprend à ces repas où il est impossible de se soûler la gueule. Il y avait un gros paquet de noisettes, nous ne pouvions les manger, n'ayant pas en général de casse-noisettes sur nous. De quel naufrage de la civilisation ces notes seront-elles les survivantes ? quel style ? Michèle M., Muriel Cerf, tout cela entraîné vers l'abîme... Nous ne saurons jamais ce que penseront de nous les hommes penseront-ils ? "mangeront-ils ?" Je perds mon temps.

 

J'ai revu mes élèves, avec leurs sales gueules sympa, mes tics, mon rire perpétuel, mes jeux de mots crades, les applaudissements mous suivant ma déclaration d'intelligence, ma démagogie bien au point mais les connaissances ? "Tu fais ce que tu veux", me dit Glavion, comme pour dire "Tu as voulu les premières littéraires maintenant tu te débrouilles" - je n'ai rien demandé, moi, c'est le système de roulement - vivement que je puisse me mettre à mes cours, nom de Dieu... Mon père se penchait sur mon épaule, quand je traçais mes cartes imaginaires : "Tu perds ton temps !" - pendant que j'y pense : à ceux qui daubent sur la production contemporaine, réclamant un peu moins de "moi", je réponds : nous ne le faisons pas exprès ! l'écrivain ne choisit pas son sujet, il est choisi par lui ! Le n'importe quoi à la pensée de tous...

 

Salut, chercheurs du XIVè siècle - salut, confrères quelle oeuvre de vous mériterait le coup d'être exhumée ? Réponse : aucune... aucune... A l'intérieur de soi gît la liberté absolue - ô vente de frites !"On ne peut éditer, diffuser qu'avec un raisonnement solide, et non avec de simples bons sentiments" - vraiment ? ... J'ai envoyé une lettre-diatribe... Tous ces écrivants, quel vertige... Je faisais la gueule hier pour bien montrer que j'étais engagé sur le chemin de la mort, et que c'était la faute du monde entier spécialement de l'entourage, mais ça me le détruisait, l'entourage, et j'ai dû faire machine arrière.

 

Et ce matin, dans la bagnole, ces brusques éclats de rire de joie de vivre, c'est pitoyable, bon Dieu, pitoyable, pantins physiologiques que nous sommes...

 

Commentaires

  • Ceux qui ne savent pas écrire daubent sur la fin de la littérature.

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