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Combourg, gnome et pissottière

 

Etrange ville que Combourg. Du vivant de François-René, un ramassis de bicoques puant le fumier, de péquenots sans joie baignés de purin, manches tombant jusqu'aux chausses. A deux siècles de distance, un descendant fait connaissance d'une belle rousse, mouvance charismatique des "Lions de Judas" ; cette femme soudain ressent la présence du Christ : « Ne sentez-vous rien ? - A vrai dire non. » Elle halète, soupire des sons incompréhensibles, tenant sa main. Le descendant se croit entrepris - grossière erreur ! il pousse dans la bouche de la Lionne en question une fourchette à dessert garnie de gâteau, et lorsqu'il reprend le train, la croyante sur le quai tourne la tête, glaciale, indifférente à ses signes d'adieu.

 

Dans les toilettes de Combourg, un long discours sur la paroi exhale le dépit d'un jeune homme : les filles seraient des chiennes, qui jouent les mijaurées, les chichiteuses, et toujours se refusent. « Un qui vous aime ». Nous aurions tous pensé qu'elles se paluchaient, de préférence entre elles. Ce jeune homme était un niais. Combourg contemporaine est une longue avenue 1910 de la gare au château, à l'entrée duquel on vend des cartes postales. Les rêves du gnomeà cheval sur le chat sont de quatre sortes : Souterrains, Vastes Greniers, Toilettes ; dans les Cimetières enfin. Le rêveur franchit le temps : ce sont les couloirs combles d'inexplicables métropolitains - Briand débouche alors sur un quai de pénombre, bondé sous les néons maussades et tressautants ; passe la première rame éteinte, cahotante et comble - il pressent que passée la première courbe, l'inondation en embuscade sera froide et mortelle - parfois Briand monte, dans d'autres rêves, les étages sans fin d'un hôtel aux lits défaits, pourchassé par le gérant.

Le jardin public sous la pluie.JPG

 

 

Au grenier règnent des salles vides où se donnaient jadis des cours d'art plastique, fenêtres béant sur les cours en contrebas, salles jonchées d'équerres et de mètres abandonnés, gravats, croquis mal gommés : par dessous fonctionne l'Ecole, sereine, administrée, tandis qu'il demeure là-haut, lui, bloqué dans le rêve, marchant sur les craies crissantes. Les rêves les plus riches cependant se font dans les toilettes, immenses, labyrinthiques. Leurs cloisons, immenses, dégagent par-dessus les portes de vastes fentes indiscrètes tandis qu' en bas vingt centimètres indiscrets s'ouvrent sur les talons ou pointes de souliers selon le cas, de part et d'autre des cuvettes. Tout y fuit de surcroît, et la vaste cabine gargouille de liqueurs douteuses – comment pisser sans dégoût ? toilettes pour femmes au demeurant, qui, invisibles et furieuses, poursuivent l'homme et fouillent à grand bruit, secouant portes et cloisons.

 

Quant au cimetière, il donne sur un carrefour oblong, pavé, bruyant, où se croisent en biais deux ou trois lignes de tramways aux rails incrustés. Les pylônes d'entrée de la nécropole se terminent en boules de cornets glacés, dont les demi-cylindres par-dessous laissent voir les cannelures, vergetées de vert. Le tombeau du Rêveur est au fond à gauche, à même le sable : quatre planches bordées de fleurs jaunes, d'où s' écoule, par-dessous, le sable. Parlons à présent d'une femme, vivante et minuscule, galopant sous les pattes de l'Hextrine, 1786, cherchant à s'accrocher aux poils très longs pour rejoindre le gnome, considérablement réduit, dans son creux de toison ; d'un prompt rétablissement sportif elle se hisse jusqu'à la loge de Briand, le cornac. Voyons à présent comment une liaison purement érotique, relevant de l'Aphrodite populaire, peut se transformer en liaison dite platonique : la Nouvelle-Femme donc salue bien bas le gnome, semble sympathique, mais celui-ci (côté appréciable) se méfie des femmes sympa ; il redoute en effet, par-dessus tout, les épisodes (ils sont légion) où les deux sexes se contemplent enamourés dès le premier instant, ce qui est, proprement, pornographique.

 

Viendront ensuite le bonheur, la précipitation - « mais plutôt se castrer que de perdre la face ». Une brune menue, les yeux en amande, nez retroussé, l'air du vice à deux frictions par jour, où l'on s'enfournerait jusqu'à s'y perdre - pourquoi les femmes rient-elles dès qu'on les fixe - seule façon pourtant de les aimer : fixer la beauté jusqu'aux larmes. Dialogue : "Comment allez-vous ? - Je m'endors. - Comment ? - Ce sont les poils qui m'engourdissent. - Nous nous connaissons à peine. - Est-ce indispensable ? - Je suis venue exprès. - Vous seriez belle sans cela. - Cela n'engage à rien. - Voulez-vous manger ? dit le gnome - Oui, vraiment ! que mange-t-on sur un chat ? - Un peu de tout." Il sort des poils quelques radis, du beurre et de la confiture. « C'est puéril !

 

- Vous avez accepté de manger ; ne vous souciez donc plus de l'extérieur. - Mais je viens du monde extérieur ! » Le dos du félin toujours en mouvement oblige à s'agripper aux poils. Quand les radis sont achevés la femme se laisse enseigner les assiettes, qui sont les façons de s'assoir les plus stables : « Evitez les épaules, si rapprochées sur l'animal, sans cesse ondulant sous le pelage. - Si je m'assieds là, aucun risque ? - Non. - Il ne se lèche jamais ? - Si. Alors nous descendrons à terre. - Vous voyez bien qu'on a besoin de descendre. - Pourquoi êtes-vous montée ? » Elle hausse les épaules. « Et quand le chat dort ? - Je dors. - Je veux dire, s'il se met en boule ? » A mon tour je ne sais que répondre pense le gnome.

 

La bête s'est lassée de marcher, les deux convives regardent au rythme palpitant du dos cardiaque tout le paysage de C., puis la bête se met en boule.

 

Commentaires

  • Ma femme aussi est bloquée dans ses rêves. Elle ne se lève que rarement. Je vis à côté d'elle, souvent angoissé. Il n'y a pas d'issue possible, car la vie nous a épuisés.

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