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Robert Sabatier, Les noisettes sauvages

 

 

 

Dans les années 70, le mouvement "country" facilita le grand retour des préoccupations rêveuses vers la campagne et toutes ces choses de la paysannerie dont les débris devaient être répertoriés d'urgence. C'est ainsi que naquit Le cheval d'orgueil de Pierre-Jakez Hélias, et la trilogie de Robert Sabatier : Les allumettes suédoises, dont Trois sucettes à la menthe et Les noisettes sauvages constituent les deux derniers tomes, en attendant La Billebaude de Henri Vincenot, pour la Bourgogne, en 82. Ce sont Les noisettes sauvages qui feront cette fois les frais de notre compte-rendu mitigé. D'accord, je n'ai pas lu Daniel et Olivier, ni les Sucettes, et je ne me suis pas rendu compte, évidemment, du parallèle entre l'enfant des champs qui se forme à la grande ville et le titi parisien qui se ressource en pleine Haute-Loire, à Saugues très exactement, porte du Gévaudan mais vous n'êtes pas près de les revoir.

 

Les débuts étaient prometteurs, avec un beau voyage en chemin de fer, toute une nuit pour faire Paris-l'Auvergne, déballages de provisions et arrivée au petit matin dans les bras de l'oncle Victor, maréchal-ferrant costaud et vachement accueillant. Tout était détaillé, il ne manquait ni un sabot de mule ni un hameau perché sur la crête ou noyé dans le marécage. Tout le monde était beau, tout le monde était gentil. Le grand-père bourrait sa pipe comme dans un livre de lecture, et la grand-mère s'en allait tout le jour dans les prés pour cueillir les herbes médicinales : une sauvage, une burinée, une dure-à-cuire. Et puis ça m'agaça. C'était une de ces cuisines paysannes reconstituées style musée Grévin dans tous les musées de Champagne ou d'Ariège, mais où les mannequins, leurs tabliers, leurs bonnets et leurs guêtres se mettraient à remuer, à jacter le patouès (que notre jeune Olivier apprend) ; il y aurait des intrigues de village, personne ne se fâcherait, les pecquenods se donneraient des surnoms tellement plus vivants que les noms de famille, les vaches feraient meuh avec l'accent déjà du Midi et les ploucs gueuleraient des miladious et des macarelles dans la meilleure tradition.

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Le vrai retour à la terre des années Pétain, ou d'un Giono, ou d'un Paul Arène, ou d'un Moselly pour la Moselle, nous avons tout un éventail de chantres régionaux : Pesquidoux pour le Gers, pour les Ardennes André Theuriet, que ce soit au XIXe ou au XXe siècle. Réjouissons-nous, d'ailleurs, et ne nous moquons pas trop vite de Pierre Pernaut et de ses journaux télévisés de treize heures : il faut que tout revienne, il faut que rien ne manque, tout fout le camp à une vitesse mortelle, tout renaît on ne sait comment, de plus en plus ténu, de plus en plus vivace comme le chiendent. Robert Sabatier est un excellent conteur, descripteur populaire, mort en 2012, sans qu'on ait bien connu ses poèmes, et nous aurons toujours de la relève pour nos folklores régionaux, voir Olivier Marliave pour le Bassin d'Arcachon. Et puis quand ça se reconstitue ce n'est jamais plus tout à fait ça, mais que de bonne volonté : un jour nos églises Napoléon III seront aussi respectées que nos cathédrales médiévales. Bref, nous espérons bien que cet Olivier, venu à Saugues (43) dans sa quatorzième année, se mariera au pays, et y fera souche. L'histoire se situe dans les années 30, mais pas un nuage ne plane au-dessus de cette brave communauté auvergnate. Mon père disait qu'il avait appris la déclaration de guerre de 39 en mangeant ses tomates, et que rien ne le lui avait fait prévoir : en ce temps-là tu sais, disait-il, on n'était pas politisé comme maintenant, on ne s'occupait pas des journaux ni de la radio, chacun faisait ses petites affaires en essayant de s'en sortir. À Saugues comme ailleurs, la vie ne tourne qu'autour du quotidien, même si Olivier a perdu son papa en 14-18 et sa mère peu après. Pour ne pas nous assombrir, ni nous attarder sur cet excellent catalogue du Chasseur Français des années 30, nous retrouverons notre jeune Tintin des Plateaux à sa descente du train : et voici une évidence, c'est fou tout ce qu'on bouffe en Auvergne.

 

A vous la tradition, à vous les années 30, à vous le Velay, et les bons vins :

 

" Il embellissait les choses, il finissait par les croire. Le Midi n'était pas si loin.

 

- Il y a du beaune, du saint-émilion, du mercurey... affirma Olivier.

 

- Du châteauneuf-du-pape ! ajouta Victor.

 

- Du château-chalon, du meursault !

 

L'enfant pensa au temps où, avec Marguerite, ils allaient chercher le charbon et qui paraissait si loin" (le temps, pas le charbon) "alors qu'il ne datait que de l'hiver dernier.

 

- Ils ont de quoi faire, ajouta Victor.

 

Le grand-père avait bourré une pipe" – ce qui est la fonction essentielle des grands-pères – "courbe en bruyère véritable et en os, sur laquelle était gravé "La Salubre", avec du caporal extrait d'un pot de grès ou séjournait une carotte de tabac à mâcher pour donner du parfum. Gravement, religieusement, il avait roulé le gris entre ses doigts avant de l'enfourner et maintenant il fumait avec un sourire heureux cette unique pipe de la journée.

 

La mémé affinait sa poêle avec de la graisse chaude dans laquelle elle faisait tourner du gros sel avant de l'essuyer au moyen d'une branche de genêt. Elle regardait souvent du côté de la fenêtre, rêvant déjà de s'évader pour courir sur les chemins sinueux.

 

Commentaires

  • On s'instruie, dit le verrat.

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