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Exhumations

 

Sur la noblesse de Sidoine, nous serions sarcastique. Il faudrait ensuite évoquer l'empereur

 

El Gabal (Héliogabale) et les trois Julia - mais après L'anarchiste couronné comment écrire ? ...Devrais-je ensuite, après l'enfance mal connue, emboucher la trompette : premiers succès féminins du héros, conquête de Papianilla, épousailles ? Et Loyen de se féliciter de la virilité de son Sidoine, au livre VIII de sa correspondance, alors qu'il s'était vanté d'avoir beaucoup palpé lors du panégyrique de l'assassin de beau-papa ! Ô tempora... Résistance. Prison. Indignation, épisme. Citer les vers à Ragnehilde, gravés au fond d'une coupe, où "c'est la beauté de votre visage, Majesté, qui donne au métal son éclat"; la royale épouse de l'Occupant dut s'en montrer flattée.

 

Sidoine enfin, dont chacun sait qu'après son indignation d'avoir vu livrer son Auvergne, il ne vit de salut qu'au sein de l'Eglise, devint modèle d'évêque, embauma et transmit tout un monde, celui de Rome engloutie, par l'inlassable diffusion de ses modèles. Sidoine à lui seul rafistole toute une civilisation grâce aux cours par correspondance : n'est-ce pas ainsi que va se régénérer l'éducation de notre XXIe siècle, par petites groupes de volontaires motivés minutieusement encadrés, au lieu de la réussite utopique de masse ? Nos contemporains ne se rendent pas compte à quel point pareil émiettement, devenu indispensable, correspond aux dispositions du haut Moyen Age: quelques clercs dans leurs forteresse, tandis que les autres se contentent du savoir prodigué par leurs ancêtres, familles ou groupes de familles ?

 

Mais l'ignorance historique de nos politiciens est proverbiale. Je dois passer d'urgence à Cassiodore, Isidore de Séville, VIe et VIIe siècles. Puis à Jordanès, pour les Goths. Saxo Grammaticus, pour le Danemark (source de Hamlet !) - tous ces noms inconnus à qui je dois restituer la Gloire, tous ceux qui ont tissé le fil rompu, vite, avant de mourir – qu'un homme se soit souvenu d'eux, que cet homme soit moi ! de même, allant chez feu Dorimon, ai-je aperçu les quatre murs de son salon garnis jusqu'au plafond de rayonnages physico-chimiques, sans rien de littéraire, mais éclaircissant tel ou tel point de mécanique quantique. J'entends encore son mépris : «  Le grec et le latin, me jetait-il, ce sont des langues mortes » - anciennes, mon ami, anciennes.

 

Il m'a toujours plu d'imaginer la mort de Sidoine, dont nous n'avons rien de précis, sur les remparts de sa ville de Clermont : tel Augustin sur ceux d'Hippone, Ovide à Tomès imaginé par Vintila Horia. 66 énigmes à déchiffrer – on m'a offert ça : je ne veux plus m'exercer à rien, juste me laisser aller - ainsi pour cet Apollinaire, Sidoine, que je poursuis de ma froideur. Pas une affinité réciproque, aucune empathie. À qui je n'ai strictement rien à dire malgré nos efforts à tous deux, et qu'il me faut pourtant sans cesse retrouver sur mon chemin. Sidoine Apollinaire et son univers totalement étranger, 1500 ans entre deux hommes. Je n'ai cessé au cours de mes années à moi de lire et de relire ces vieux volumes de carmina, si pleins de redondances métaphoriques, si évidemment imbibés de fatuité, gonflés de fausse importance et de faux talent. Si quis autem carmen prolixias catenus duxerit esse culpandum : voici bien de sa fausse modestie, par imitation de Pline et de tant d'autres – cette façon de s'abaisser juste au moment où l'on se livre aux pires acrobaties de vanité. Je suis en vérité incapable souvent de concevoir du grave, entraîné par cette vague aspirante au reflux du jour - quod epigrammatis excesserit paucitatem. Ces courbettes de fausses vierges, ces pudeurs rougeoyantes issues de la plus pure tradition épistolaire. Fin de page, qui ne donne pas envie de la tourner, précédée de plus par la lèpre des apparats critiques.

 

...Une de ces énumérations, de ces enfilades prétendûment spirituelles où gisait le plaisir des lecteurs d'alors, et rien que des poètes ; liquida patet : s'ouvre au liquide ? 1er juillet : dans l'herbe, aire d'autoroute Toulouse-Sud. Anne au bord de l'épuisement complet. Peut-être devrons-nous chercher l'hôtel avant Bordeaux. J'écris donc assis dans l'herbe, au sujet de Sidoine, point d'appui de mon exécration : il est tout ce que je déteste. Il vivait une époque grandiose, l'effondrement de Rome – et se préoccupait de nugas, de sottises. Des sursauts d'héroïsme certes ; mais production livresque au-dessous de tout. Copiage effronté de toutes les pensées païennes, puis pillage immédiat, effronté, de tout le suc chrétien.

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Attendrissements, pathétismes, facilités. Quelques lignes sur ma vie de contraintes, au rebours de ce que je voulais vraiment : "Suivez vos rêves d'enfant", conseillait Jacques Brel à ses auditeurs, à l'instant de la dédicace : j'ai fait tout le contraire, et je vous emmerde.

 

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