Proullaud296

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  • Rêves tels quels

    52 05 09

    À table avec une jeune femme que j'émeus en évoquant les rélexions destructurantes qu'elle a dû subir (“P'tite gouine”), assez fort pour que la table voisine l'entende. Elle a les larmes aux yeux et m'est reconnaisssante, ma langue d'autre part a fourché, laissant croire que je suis pédé. RNous sommes fraîchement nommés dans un poste. Les autres collègues lui ont dit de les rejoindre soit dans un supermarché plein de monde soit dans un autre à peu près vide. Je l'accompagne en poussant un caddie, mais nous sommes au supermarché bondé. Les paniers roulants s'accrochent, tout le monde le prend bien, mais lorsque nous avons fini nos courses et que la foule s'est un peu clairsemée, nous nous apercevons que nous avons décidément choisi le mauvais supermarché, et que les autres ne sont pas venus. UTILISE

     

    52 05 10

    Avec Sonia et Annie dans un hôtel, cette dernière dans une chambre à elle. Son eau pour la toilette est trop chaude, son transistor émet de la mauvaise musique, elle est très en retard, je vous le moment où je serai obligé de payer une nuit de plus (25 €) parce que nous aurons dépassé 11 h.

    Vieux robinets qui gouttent. UTILISE

     

    52 05 13

    Sonia et moi (ou Annie et moi ? la personne est la même) sommes bloqués à Munich, sans argent, dans une auberge où tout le monde parle français. Il se fait là une séance de cinéma, soit devant moi sur écran ordinaire, soit derrière moi sur écran vidéo. Devant chaque écran deux ou trois rangées de spectateurs, se tournant le dos. Je me rends aux toilettes, très frustes (à la turque) et ttrès étroites, mais remarquablement sèches et propres. Pendant le film, je tape à la machine, très doucement, pour le critiquer. Je m'aperçois que d'autres ont de même. Une grosse retardataire s'installe près de nous, compressant une jeune femme mince qui commence à protester.

    Dans le film, un personnage dit qu'il emmène son fils regarder des films pornos, puis qu'il repasse le prendre à la fin de la séance. Un spectateur ressemblant à Accornero le reprend : “Tu es sûr que tu ne le fais pas toi-même, le film, avec ton propre fils ?” Je le réprimande en plaisantant mais assez fermement. Finalement, nous aurons assez d'argent pour revenir de Munich, comme les Bloy sont revenus de Cologne.

     

    52 05 16

    Nous partons à trois voitures vers le Bassin, Java dans la première, moi dans la deuxième, Sylvie dans la troisième, qui sera vite distancée. Je suis tant bien que mal, pas très assuré

    assuré de ma direction (je zigzague un peu). J'encourage ma voiture. A une bifurcation, je me trompe et m'enfonce sous les pins. Une grande maison dans les fougères humides à deux pas de l'Océan : Josette habite là avec certains de ses descendants. Nous nous retrouvons avec effusion, l'ancienne maison de Meulan est occupée par ses enfants. Je suis en chemisette sans rien pour le bas, mais j'épargne notre pudeur. Nous nous serrons l'un contre l'autre, elle veut me préparer un repas mais il n'est que onze heures et demie. Un type lit à une table extérieure et ne dit rien. Je cherche sur uune carte et dans ma tête vers quel phare il aurait fallu que je me dirigeasse. Nous revenons en bus sur nos pas, je ne retrouve pas ma voiture sur les bas-côtés, ça va trop vite et il y en a trop. Josette se perd un peu dans les prénoms de ses petites-filles :Irina, Océane, Hermengarde... Je dis que la mode des prénoms se déchaîne, surtout pour les filles. Elle m'a offert un étui en plastique d'appareil photo. Je dois rejoindre les autres. UTILISÉ

     

    52 05 31

    J'interviewe une Dalida vieillie, encore très belle, mais de façon à lui montrer qu'elle est en fin de carrière. Elle s'insurge aimablement ; mes questions ne portent que sur ses rapports avec les plantes, les fleurs. Elle me parle de ses projets, de sa pleine forme, de son fils chez qui elle m'envoie. C'est Gaël Ferret. Chez ce dernier, il monte dans une ruine aménagée, essaye de m'atteindre avec des crachats pour rigoler, je lui dis qu'il n'arrive même pas à toucher deux énormes pigeons qui volent sous lui. Je monte chez lui, c'est étroit mais bien aménagé. Un couloir, en impasse, ne sert à rien.

    Nous nous frôlons à fond. Je repars en comptant lui écrire, mais il a l'air désabusé de celui qui n'y croit pas, nous nous voyons pour la dernière fois. Son adresse serait « sous le Château d'eau ». C'est seulement alors que j'ai pris le car, mais dans la direction contraire (Vaux-sur-Seine à Conflans). J'espère que le bus montera sur le coteau pour reprendre la bonne direction. IL y a là deux métis de Tahitiens qui parlent d'un match. Ils ont le physique très aigu (menton très pointu). Nous descendons, Ferret et moi, je me retrouve dans une tour naturelle du roc, sans issue. Du mal à

    m'en extirper. Et j'arrive ici en retard, après 20 heures, Annie m'attend, peut-être même devrai-je cacher à l'hôtel. UTILISÉ deux fois.

     

    52 06 03

    Je roule de nuit à vélo sur les quais, il pleut et je manque déraper sur un aiguillage de tram. Place de la Bourse je rencontre des jeunes filles dont l'une, blonde pulpeuse, se jette à mon cou en me disant « Enfin », car les autres peuvent avoir des garçons et non elles. Je rentre chez moi pour revenir débarrassé de mon vélo, elles sont à un bar, la blonde me fait tout un discours passionné où il est

    question de l'amour qui n'est pas moins fort quand il se passe de sexe. Ensuite, à l'arrière du bar, je visite sans doute un musée, j'y retourne, croyant y avoir oublié quelque chose, le patron bougonne.

    Les filles viendront reprendre un petit carnet où chacun a inscrit son numéro de téléphone, je n'arrive pas à bien écrire le mien, il n'y a pas de place, je rature, m'embrouille, damande au patron s'il peut me lire, mais il ne m'écoute pas. Impression d'ensemble sur le rêve pourtant très favorable. UTILISÉ

     

    52 06 16

    Le train me dépose dans un village du Massif Central, abandonné mais propre. Je déballe de quoi manger, écoute un transistor qui annonce à deux reprises « Destruction du Singe Vert ». Je me demande ce qui peut bien porter le même nom que ma revue, que je pensais pourtant inconnue. Prenant possession du village, je parviens en voiture (de location ?) à un vaste domaine, que je dois occuper le lendemain, grâce à des documents qui y sont enfermés. Une longue voiture américaine s'arrête alors à côté de moi, le conducteur porte un stetson et s'exprime avec unaccent d'Outre-Atlantique très fort.

    Il est accompagné d'un homme et d'une femme, tous trois d'environ 70 ans, et se disant (les deux derniers) mariés, ainsi que frère et sœur. Je ne pense pas qu'il s'agit d'inceste mais de liens de parenté compliqués. Le domaine leur appartient, ils auront les titres de propriété le lendemain. Les mots « Destruction du Singe Vert » ne cessent de résonner de plus en plus fort et menaçants, le rêve s'achève dans une ambiance d'explosion sans que j'aie pu savoir de quoi il retournait. Réveil brutal, je dois me lever aussitôt. UTILISÉ

     

    52 06 22

    Je suis couché avec Annie. Il est question d'articles contre Le Pen, qui devraient remonter le moral ; de pentes ascendantes ; de structures en bois jaune en plein air, comme des potences ; d'amélioration de l'érection et de la joie de vivre ; mais Annie ne suit pas le mouvement, ni moi. Elle me dit n'avoir aucune réaction parce que je n'éprouve aucune attirance envers elle. Je lui dis que forcément, elle m'a toujours, absolument toujours, contrarié systématiquement dans tous mes choix de vie. Elle acquiesce. Sentiments réciproques de profonde tristesse. Et pour moi, en me réveillant. UTILISÉ

     

    52 06 26

    Gigantesque manifestation d'étudiants grévistes sur les quais : merguez, chants et musique. Les voitures se sont garées sur une terrasse ; la mienne, par miracle, y est montée sans voie d'accès. A l'autre bout de cette terrasse se tiennent des épreuves écrites d'agrégation, organisées par le ministre Claude Allègre. Je rejoins ma voiture mais me retrouve presque au même endroit, coincé dans la foule en liesse. Je voulais seulement quitter la terrasse; et non passer l'agrégation, je me suis trompé d'itinéraire. Je précise que je me suis présenté dix fois à l'agrèg. Quadri-admissible. La foule est bon enfant. Je pense être parvenu à quitter la terrasse de ciment avec ma voiture. Ce n'est là qu'une petite partie du rêve. UTILISÉ

     

    52 06 30

    Dans une ville du sud de l'Italie avec Sonia, Annie, peut-être mes parents, tout le monde en courses dans un supermarché, j'attends à l'extérieur au soleil, si j'étais seul j'irais sur les routes de Calabre au lieu de me reposer sans cesse. Il y a une grande allée sous les arbres, avec de l'herbe, Annie et moi y zigzaguerions amoureusement de nuit sur des airs de Chopin. Découvrons deux saltimbanques richement bariolés ; un homme-orchestre avec une espèce d'accordéon dans le dos, quand il joue un immense parapluie se déploie sur son dos ; un autre homme avec une énorme mandoline rebondie ; une femme qui secoue avec résignation un gros collier de mule garni de grelots.

    Sketch : le gros mandolineux assomme l'autre homme qui plonge la tête dans ue mare bien sale en exhibant un cul et des cuisses très bouffis. Tout le monde est censé se marrer, le gros mandolineux en rajoute, c'est surjoué, la musique est forte. Il y avait tellement de choses dans ce rêve... UTILISÉ

     

    52 07 13

    Dans un grand appartement viennois dont certaines pièces forment grenier, un jeune lycéen révise son histoire. "Europe, un pays civilisé" : la page porte pour illustration une armée en manœuvres, comme si la civilisation, c'était la guerre ! Un chapitre a pour titre "Une nouvelle vision de l'homme". On parle de l'Allemagne de l'Est représentée sur d'anciennes cartes comme derrière des grilles de prison, ou appelée "Tiefes Deutschland". Des visiteurs d'un certain âge étaient capables, en pleine forme, de chanter des refrains pleins d'entrain, alors que les vieux ouvriers, épuisés, ne pouvaient plus que graillonner entre leurs chicots. Nous sommes allés avec Annie cueillir de longues tiges d'osier enfoncées dans la boue pour les rapporter à titre d'ornements. Ça recouvrait toute notre voiture, on ne pouvait plus conduire ! Je rencontre alors uen ancoienne élève de quatorze ans qui tombe au fond d'une dénivellation argileuse à parois abruptes. Bien qu'elle hurle au fond du trou en avertissant Annie de ne pas s'aventurer sur le rebord en souliers vernis, Annie le fait, glisse et tombe. Les deux sont pourtant saines et sauves. Nous revenons dans la pièce où l'étudiant révise son histoire. Je poursuis un chat qui me fuit en galopant de pièce en pièce, je le rejoins et l'étourdis de caresses, il finit par se laisser faire, son poil est plus doux que la première fois, car je l'avais déjà traité ainsi.

    Un chat peut se nettoyer, même de son vomi, se sécher donc, et redevenir propre. Rêve très agité, aux épisodes chronologiquement mêlés. UTILISÉ

     

    52 07 16

    Une communauté italophone vit dans un pays récemment indépendant, arabophone. Sans qu'elle y soit réellement obligée, se sentant mal à l'aise, elle va émigrer. Ses villages vont se vider. Une délégation française vient négocier ce départ. Une femme est l'objet de violentes poursuites dans la presse cairote pour tripatouillages dans les antiquités. Un Egyptien vient calmer le jeu auprès de la délégation française, disant que c'est toujours comme cela dans une dictature militaire : chacun essaie de se faire valoir, en utilisant un langage outrancier, mais il va arrondir les angles.

    Je fais partie avec Juppé de la délégation française. Elle n'est pas très vive. La plupart de ses membres prétextent d'obligations extérieures à la capitale pour ne pas se rencontrer, mais chacun a son pied-à-terre hôtelier permanent à tant par jour. La première fois, j'ai glissé dans un trou de soldat antichars et le pied pesant et botté de Juppé a failli m'écraser, il s'est retiré en riant. Un repas entre diplomates a eu lieu, je m'en suis absenté pour pisser dans une espèce de waters de chantier où me suivait obstinément Pépette, chienne de Blanchard, que j'ai un peu blessée en repoussant la porte sur sa patte, elle a gémi. Dans un coin de hall, Juppé minuscule sur une chaise de bébé a dit que nous étions destinés à nous rencontrer, décidément ! Je reviens à table. Je repars à pied à travers ces bouges italophones qui veulent se faire évacuer, ne se sentant plus en sécurité. La négociation a dû échouer, les Français sont repartis en emportant des tableaux qu'on a eu bien du mal à leur offrir.

    Je suis survolé par un immense Concorde noir où a pris place toute la délégation française. Il n'y a pas de moteur, l'immense avion sinistre plane de droite, de gauche, au-dessus d'un village, et soudain dégage une forte fumée. Une femme hurle à côté de moi, on entend des cris suraigus sortir de l'avion qui s'écrase en dégageant une énorme fumée. Les passagers cuisent lentement, je hurle "Je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas." UTILISÉ

     

     

     

    52 08 18

    Annie et moi devons partir avec un groupe nombreux de touristes à Saint-Pétersbourg. Nous sommes réunis dans un grand salon et des employés très styles nous donnent à tous des indications. Pendant cette conférence une grosse bouteille d'eau minérale en plastique roule vers le bureau, un employé la rattrape malgré mes refus et la replace debout par terre à côté de moi. Nous devons passer uen nuit à Paris VIIe avant l'embarquement. Annie tombe malade et se met ostensiblement au lit,par trouille de prendre l'avion (accident des Martiniquais). Je hurle, exaspéré : "Paris VIIe ! Paris VIIe !" comme pour dire qu'avec ma femme de toute façon il est impossible de s'imaginer dépasser Paris... UTILISÉ

    52 08 22

    1. A) Un plombier polonais recueilli chez moi bloque nos deux chiottes par des réparations, il ressemble à Boudy, il est installé sur la table du salon. Un copain à lui vient et réclame du "Varsovie" (sorte de vodka). Je crains de n'en plus avoir, soucieux de le recevoir avec hospitalité. Du côté de chez Lageyre, c'et de la terre labourée. Un triangle de gazon devant notre porte se trouve aussi entamé par des travaux. Invasion totale de notre espace.

     

    1. B) Chant L'Hymne à la Joie en allemand a capella par une femme qui me désigne ensuite pour prendre la relève, les paroles me semblent écrites en une langue n'ayant qu'un lointain rapport avec l'allemand, à base d'onomatopées lettonnes.

     

    1. C) Annie chante un cantique devant un curé en soutane, m'enfonçant ses ongles dans le dos, transformant les paroles en obscénités ou burlesqueries. Le curé s'efforce de ne pas se fâcher, elle me crie que c'est fou tout ce qu'elle retient comme sentiments agressifs. La scène se passe au pied d'un mur gris de caractère ecclésiastique.

    - Mon petit chat pisse mais j'ai oublié la litière. UTILISÉ

     

    52 08 23

    Faisons l'amour Françoise et moi en plein air et de nuit, la femme dessus, nous recommençons et nous apercevons que par-dessous gisait le cadavre desséché et rieur de Monsieur Terrasson, qui pousse ses vieux tibias pour nous faire de la place ; il vagit pour s'excuser. Il doit s'agir d'un cimetière et d'une tombe à plusieurs emplacements. Plus loin, sur une autre couche tombale, Marie-Andrée Balbastre, sous un drap noir soulevé, fait une pipe à un type qui n'es tpas son mari. Au fur et à mesure que Françoise et moi baisons, le cadavre vivant de M. Terrasson s'enfonce et se désagrège en partie, mais pas moyen de se débarrasser des jambes qui reviennent toujours s'emmêler à nous.

    C'est gênant, mais pas cauchemardesque. UTILISÉ

     

    52 09 01

    Dans une salle d'examen (concours ?) avec Annie, nous devons potasser sur le sujet d'un empereur quiu se défend contre son entourage (concitoyens et étrangers). J'ai trouvé un empereur, au règne court, où il ne s'est malheureusement pas passé grand-chose. A un moment donné, un appariteur convie tous les candidats à manger, il y a de la viande. Tous se lèvent sauf Annie et moi. Un voisin va chiper une petite part de viande rès rouge qui se trouvait déjà dans une assiette, à la place d'un candidat parti manger. Il est hilare et dit qu'il en profite (grand blond, front haut, bien découplé). UTILISÉ

     

    52 09 05

    Passant près d'un jardin en pleine ville, j'y vais pisser, piétinant les plates-bandes de mâche. Je me pisse sur les pieds, sur les doigts. Une jeune femme que je connais est entrée par le haut du jardin et remplis des vases d'arrosage à deux gros robinets de marbre. Elle me fait observer que les récipients sont laissés sales par les utilisateurs précédents. Je l'aide à les nettoyer mais elle me dit qu'elle n'a pas dit cela pour moi. Son portable sonne. Elle s'allonge sur l'herbe détrempée pour répondre, il s'agit de son service de pompière vacataire. Je profite de cela pour me défiler, car mon but était de couper court à travers la ville en longeant ce jardin par l'extérieur, afin de rencontrer le moins de monde possible.

    (sans rapport : j'aurai donc toujours vécu spectateur, trop assommé par les spectacles pour faire autre chose, de fatigue. Pourquoi cette voie ? Et quand j'avais fini de voir, je donnais à voir : c'étaient mes cours, et je me donnais le spectacle de ma vie, de mes scènes de ménage : pourquoi la scène, plutôt que l'action ?) UTILISÉ

     

    52 09 06

    En vacances dans une ville étrangère et partageant une chambre dans une sorte d'auberge de jeunesse. Au retour d'une visite une camarade allemande me dit avoir nettoyé mes vêtements pendant mon absence. Je découvre deux slips lavés non séchés près de mon lit, la fille montre son dos nu puis me fait une fellation en pleurant – elle a ôté ses lunettes. Une autre fille devra se passer de moi. Un garçon est mon ami, nous allons en ville avec un moniteur style Poelvoorde. A un arrêt du bus ce dernier fait une réflexion, le garçon lui flanque une grosse tranche de fromage sur la gueule et la lui enfonce profondément dans le gosier, sous le regard réprobateur d'un quinquagénaire à lunettes et chapeau.

    Le moniteur râle parce que le garçon est habillé de rouge et va attirer de nouveau l'attention des flics sur le trottoir – ils sont déjà venus emmerder le moniteur une fois. UTILISÉ

     

    52 09 10

    Avec Annie nous suivons en bagnole une foule qui se rend à un carnaval quelconque, sans être elle-même déguisée. Presque impossible de circuler. Heureusement je trouve une place de parking. Annie veut que nous retournions chercher sa voiture pour la mettre sur une autre place à

    côté de la mienne. UTILISÉ

     

    52 09 13 1)

    Je suis au lit avec Vanessa Pavan. Elle se gratte le cul avec frénésie pour empêcher que je la sodomise. UTILISÉ

    2)

    Je parviens au sommet d'une longue montée en plein Paris alors qu'il s'agit d'un château vinicole. Des touristes font de même (allemands, japonais). Pour redescendre del'autre côté (je suis déjà venu, mais dans l'autre sens), la route n'est plus qu'un tunnel sous plaques de ciment surbaissées, ili faut ramper dans la fiente d'oiseau ou de chauve-souris. Des femmes laissent leurs vélos VTT et s'engagent là-dedans. Je ne le fais pas.

    Assez maussade ce matin. Je repense à la Nouvelle-Orléans et aux prédictions sinistres de Nostradamus. UTILISÉ

     

    52 09 20

    J'entre dans un lycée, entouré de jeunes filles : "J'ai vécu entouré de jeunes filles, à quatre amoureuses par classe." On me revoit avec plaisir. Des escaliers descendent. Un élève se voit dire qu'il doit aller aux premières toilettes disponibles sans errer dans un bâtiment désert. Je rêve de couloirs combles. A l'aise partout. Un moniteur lance une plaisanterie de cul, je la reprends, une monitrice rit. UTILISÉ

     

    52 09 24

    Annie et moi faisons du camping en Turquie orientale. Nous apprenons par la télévision que les talibans bombardent une ville proche : les images montre que leur aviation s'acharne sur des ruines. Affolés, une partie des campeurs plie bagages ; nous sommes effrayés, mais décidons de poursuivre notre route vers l'est, vers l'Irak, en campant. UTILISÉ

     

    52 09 25

    Nous sommes deux à Mobylette sur la route, je viens d'apprendre la mort de mon père et j'en souffre plus en rêve que je n'en ai souffert en réalité. En pédalant nous nous prenons le pied dans la chaîne et les deux Mobylettes tombent, à proximité du cimetière. J'ai déjà rêvé de celui-là auparavant. De même, ce Meulan de rêve revient : plus escarpé, avec une île fluviale plus large. Je remonte une rue en suivant un jeune homme sympathique aux petites lunettes de soleil très noires. Il m'invite à voir des curiosités dans son château, et tandis qu'il farfouille, au sommet d'un escalier de métal, et déà engagé à l'intérieur, je ne sais quelle serrure, je me rends compte qu'il va me sadiser à

    l'intérieur, ou du moins me montrer quelque salle obscure et terrifiante, dans l'obscurité verte et bleue.

    Je redescends l'escalier alors qu'il se replie sur lui-même et saute dans les caillasses, mes gestes sont ralentis, il est derrière moi, encore aimable mais bientôt menaçant... UTILISÉ

     

    52 09 27

    Avec des soldats en Afrique, et Sonia. Il y a un combat à l'extrémité d'un long hangar. Les troupes reviennent, laissent passer les noirs, les attaquent par-derrière.

    Même scène entre des rangées bien alignées de grands arbres européens. UTILISÉ

     

    52 11 18

    Avec Annie en bas de la côte de Meulan dans une profonde obscurité. Retrouvons chez Truffaut (garagiste) les clés de chez nous et de la voiture sur une terrasse basse de transformateur. Un vélo me heurte alors par derrière sans que j'en soie effrayé. En réalité c'est Annie qui se retourne dans le lit en me flanquant son genou sur la cuisse.

     

    52 11 20

    Je rêve du Dr N., tendre et paternel. Il s'ennuie dans un logement parisien qu'il me prépare, c'est l'heure du repas de midi. Il m'appelle en se plaignant, il en pleurerait presque, d'être seul, sur mon portable. Je mangeais en plein air. Pour m'amuser, je jette en l'air un verre de café qui jaillit jusqu'au quatrième étage d'un immeuble, où cela souille trois vitres à rideaux blancs. Je le rejoins, il monte avec moi, il m'emmène en voiture dans des rues très en pente et jusque dans un

    escalier. Pendant le trajet je me demande ce que cela donnerait si les immeubles étaient reliés par des passerelles obliques et je conclus qu'il y aurait sans doute autant de piétons sur ces passerelles, que cela grouillerait de partout.

    Parvenus sur un palier (la voiture a disparu), il veut visiter une connaissance. Je partais sur le dos un harnachement destiné à soutenir un bébé. Quelqu'un monte, je range cet appareil pour qu'il ait la place. Il me remercie en souriant. Je lui demande s'il connaît les Untel, il me dit que c'est justement chez eux qu'il a trouvé une chambre pour moi, et, gêné, j'avoue avoir lancé ma tasse de café. Il me sermonne avec l'attitude grave d'un père affectueux, disant qu'il avait pensé que je m'étais calmé, qu'il revoyait ce jugement. Quand il a fini, je réponds que ce geste (...) (Il me fait) m'excuser auprès des habitants aux fenêtres souillées (...) et je ressens tandis qu'il me parle une volupté que j'analyse, qui est à demi-malsaine – celle de se faire pardonner. Et il dit : "Vive tes vers et ceux qui les liront." Il était habillé de brun, avec un ventre de père noble, un ton lent et mesuré, très bienveillant et protecteur. UTILISÉ

     

    52 12 03

    (...) une certaine ironie. Je m'étonne que garçons et filles soient mêlés, non sans flirts. Pas d'explication valable. Je parviens dans une vaste chapelle d'université (Cracovie ?) (avec de hauts vitraux) où sont exposées un grand nombre de toiles dans le style de celles d'Annie. Je le fais observer, mon accompagnateur se récrie, ces toiles sont là depuis des siècles, alors je me contente de parler de parenté d'inspiration. Le lieu est plein de gens en prière ou en conversation (...) Je dois sortir des rangs en passant devant els auditeurs d'une conférence. Les conversations et les chants sont en polonais ou en latin. J'aimerais qu'Annie vienne voir cet endroit, mais nous devons reprendre un camion pour rejoindre un aéroport.

    Impression de vie spirituelle et intellectuelle intenses. UTILISÉ

     

    52 12 05

     

    Annie et moi sommes accueillis dans un grand établissement de vacances laïques en Pologne .Bois et paysages magnifiques. De retour d'un bon repas en compagnie de personnes raffinées et cultivées, je prends les devants en sautant parmi les flaques et l'herbe d'une avenue. Je parviens ainsi à un autre établissement, en hauteur, où logent des lycéens des deux sexes? Beaucoup d'amabilité, de culture et de piété cette fois, nous fait-on observer. Chapelle à vitraux modernes splendides, chœurs religieux magnifiquement intenses (dernière phrase rajoutée le 11 05 06). utilisé

     

    53 01 02

    Pendant un trajet sur autoroute, Annie et moi nous arrêtons à une fête écologiste : les paysages, verdoyants, devenaient disais-je de plus en plus conformes à mes rêves (sous-bois, pentes habitées, etc.). Une boutique se garnissait de nombreux clients. Dissimulé derrière un serveur de poissons (une raie), j'ai chipé et mangé un fromage blanc épais. Annie m'a fait remarquer une troupe de tout petits enfants (trois ans). J'ai dit que ceux dont je m'occupais étaient bien plus âgés, des ados. J'ai imaginé l'entretien que j'aurais pu avoir avec l'un d'eux, qui aurait ressemblé au second fils de Chemineau, j'aurais dévié sur une question concernant son poids, pour le déstabiliser de façon marrante.

    Puis tout le monde se disperse, personne ne s'est aperçu de mon larcin de fromage, la fête sur la pelouse est terminée, Annie et moi nous apercevons de loin et décidons de repartir, mais il est déjà 18 h 30. Je lance une feuille de plastique verte, un organisateur éméché engueule à la cantonade, "...et à quelle heure repars-tu en général ?" J'ai pollué. J'ai dit aussi à ma femme que c'était la seule fois et la dernière que j'organisais une fête ainsi (j'oubliais mon théâtre d'Andernos ! ) Pour repartir, deux énormes voitures de collection se ruent vers le dehors en écornant la largeur d'une porte étroite, en prenant appui sur le mur avec leurs pare-chocs arrière qui lancent des étincelles et démolissent tout sans égard pour les construction.

    L'une d'elle est maquillée en fauve dévorateur d'essence avec des griffes sur le côté, elle s'appelle "Pégase". Des bruits courent sur une forte diminution de crédits pour le Festival d'Avignon. UTILISÉ

     

    53 02 06

     

    Avec mes parents dans un restaurant des Mureaux. Un Arabe vient s'y mettre à table. Il y a deux sujets à préparer : 1) « Quels hommes voient la lumière ? » (avec une fausse citation de Nietzsche). « Zaghreb » = « le silence ». Je suis félicité pour la bonne prononciation du « gh ». 2) « Comment se classer parmi les premiers du concours sur Nostradamus ? » - Ça tombe bien, dis-je, j'ai traduit les prédictions pour l'année 2006. » « Il » (?) choisira le sujet n° 9. Il n'est pas d'origine allemande. Pendant ce temps mon père va aux WC. Puis moi. Lumière électrique éblouissante et radio. Utilisé

     

    53 02 11

    Je me promène avec mon père, très vieux, dans la région de Semur-en-Auxois, que l'on prononce «Ausse », comme me le confirme une bonne femme de la région. Il tient avec lui une lettre de la grand-mère Fernande, dont je reconnais l'écriture, un peu relâchée toutefois par l'extrême vieillesse. Je dis que jamais je n'enverrais un vieux en maison de retraite, mon père m'approuve, mais si je veux le faire avec lui, il est d'accord. Nous arrivons en train à une bourgade dominée par une colline escarpée et verdoyante. Un cheval monté y grimpe, non cependant jusqu'au sommet. D'autres gens s'y promènent joyeusement. Je me balance dans ce paysage vallonné, sur une immense balançoire, tel Gargantua, en chantant. Puis je me réfugie sous la voûte d'un pont routier ,devant y supporter des gagges, commentés ironiquement par une voix féminine qui me plaint faussement d'avoir dû subir par exemple des chauves-souris, mais je n'en vois point. Il y a à peine de place, je redescends au niveau de la chaussée mais les risques sont grands, un camion me frôle le côté du pied, alors je remonte sous la voûte. Retrouvant mon père au café, je vois aussi mon grand-père, qui ne ressemble pas du tout au vrai.

    Les habitués du café sont très sales. Ils ne nous demandent pas qui nous sommes, alors que je voudrais bien faire souligner que nous sommes là trois générations, et vraiment très vieilles. Les habitants nous mettent en garde de façon allusive contre des projections de merde. Moi, je suis écrivain, et je fais partie de l'œuvre d'un autre qui a le tic de décrire les parties génitales des femmes qu'il rencontre avec une précision gynécologique. Mon père et mon grand-père me quittent pour pénétrer dans l'enceinte de la vieille ville. Je dois pour les rejoindre ainsi que les autres ancêtres et collatéraux passer sous des greniers qui bombardent de merde tous ceux qui passent. Le combat est acharné, les étrons volent, les jets de purin aussi, un éléphant charge parmi les merdes et les exclamations : un anticarnaval de Venise ! Sous un plafond de bois j'aperçois « Chiottes hommes » : c'est une profonde étable déserte où les excréments surabondent dans la paille, il y a de véritables mares de pisse, je me promets de bien me rouler dans l'assaut merdeux médiéval en costumes qui se déroule au dehors : on va bien s'amuser !

    Curieux qu'ils laissent cet endroit sans le bombarder par des fentes au plafond. Je commence à me soulager, je n'avais pas si envie que cela,le rêve s'arrête. C'est la première fosi que je rêve d'une telle tempête de merde. UTILISÉ

     

    53 02 21

    A

    Je sors sur le rebord en ciment noir d'un vaste blockhaus aménagé en bureaux dominant la mer. Il est interdit de se promener là. Un officier en civil vient m'arrêter. Des filets descendent du ciel pour m'enserrer, je devrai être balancé par hélicoptère au-dessus de la mer, j'ai très peur mais sans émotion. Des hommes me disent qu' « on s'en fout ». J'arriverai au sein d'une foule de punis sur le gazon, mais rien ne sera fait.

    B

    Sonia passe un entretien d'orientation dans une classe vide, l'orientatrice est sympa et pose des questions : « Et quel effet ça vous a fait... » - je n'entends pas la suite. Sonia semble réciter, d'une petite voix nasillarde. Je sors sur une plage bondée et misérable, des minarets appellent à la prière, trois ou quatre personnes ont un tapis, j'arrête de mâcher la bouche pleine, ému aux larmes par l'appel du muezzin. Je lis ou me rappelle un prospectus disant qu'au moment de la prière du coucher du soleil, la température baisse de plusieurs degrés, les dents du fidèle tombent et sa tête éclate, ce qui est « du plus parfait racisme ».

    Je retourne sur la plage où j'achète du Coca et le Canard, je me retrouve dans une pièce bondée par les étudiants, je montre à Yves Chemineau une carte routière tirée d'une bande dessinée, en commentant une « route de Fouësnant » en bord de mer, qui est signalée très pittoresque, ainsi qu'une autre vers Nogent-le-Rotrou, et où figurent pour s'exercer des indications sur le nombre de montées, de débrayages, de braquages, etc. Je demande au fils Chemineau à combien il achète ses voitures : comme moi, à 20 000 F. environ. Toujours pas bu mon Coca. UTILISÉ

    53 02 23

    Avec Annie dans une arrière-salle de l'ancien Alhambra, elle part avec d'autres et me laisse en compagnie de Gainsbourg. J'ai été encouragé à coucher avec lui, pour l'expérience. Nous sommes à poil dans une baignoire à l'ancienne, nous nous caressons de notre mieux mais ce n'est pas terrible. Je me force à effleurer sa queue, sympathique et bandant mou, mais je ressens un frisson de vive répugnance. Ni l'un ni l'autre ne parvenons à nous exciter, le rêve s'arrête là. UTILISÉ

     

    53 03 05

    Annie et moi en panne, devons ramener deux voitures qui remarchent, mais sommes autorisés par ordonnance que nous montre une infirmière aimable à coucher dans une chambre d'hôpital. Le lendemain il faudra que je fasse sans arrêt des aller-retours en changeant de voiture pour les ramener de Roanne à Vichy, à Montluçon, etc... jusqu'à Bordeaux alors qu'il suffirait qu'Annie et moi prenions chacun la nôtre. En effet c'est absurde, je ferais des va-et-vient sans avancer... UTILISÉ

     

    53 03 10

    Classe de sixième très nombreuse qui chahute, grand nombre de filles. J'écris au tableau quelque chose qui ressemble à un emploi du temps. Je veux faire répéter la dernière indication à Mlle Nasdorek, nouvelle, Polonaise, qui répond en anglais. J'en ai marre, je suis debout au fond de la classe, je hurle, à demi dans le couloir, que j'en ai assez de me crever pour les enfants des autres alors que des miens je ne m'occupe presque pas. Une fille me répond qu'il faudrait pour cela que je sois d'abord aimable avec les enfants des autres. Réveil un peu maussade. UTILISÉ

     

    53 03 18

    A

    Sonia est appuyée sur un gros mur de séparation, où elle lit ou bien prend des notes. Jel ui fait remarquer que notre chat passe la tête, très haut, par l'ouverture située au sommet d'un tronc d'arbre incliné. Cet arbre a été coupé. Il serait possible d'atteindre le tronc, et, en prenant des risques, de s'élever en oblique jusqu'au chat. David est présent à la scène. Je ne puis grimper, étant en pantoufles.

    UTILISÉ

     

     

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  • Lisboètes

    CHAPITRE UNIQUE



    COLLIGNON ITINERRANCES LISBOÈTES

     

     

    Je n’écrirai jamais Lisboètes. Pure lusophobie. Et puis j’aurais la rage de ne jamais plus pouvoir y retourner. C’est contradictoire. C’est unbehagen. Malaise profond indéfinissable. Comme la répugnance à revenir sur la tombe d’un membre, jambe ou bras. Que l’on m’aurait coupé. J’ai fait un plan, par flashes, illogique, sans chronologie. Voici une suite d’éclairs :

    - la Juive de Calcutta, rencontrée dans un train frontalier, et répétant toute les sept phrases: « I’m Jew… I’m Jew... » justification, compassion, meurtre.

    - la Cap-Verdienne du Zürich-Genève, avec laquelle j’ai parlé de clitoridectomie pour toutes les oreilles du compartiment, et l’autre Blanche, qui se lavait sans cesse.

    - le Coca et les pêches, les glaces, de Lisbonne ou de Carthagène (mais à présent tout le monde a voyagé, ou croit l’avoir fait) (le faire, devoir le faire)

    - Cimetières de Lisbonne, les Plaisirs, la tombe horizontale d’Amalia Rodrigues, amatrice de paix sociale et de Salazar, à quels bordels n’a-t-il pas succédé ?

    J’ai des vagues de sang dans la tête, un ressac obstiné qui annonce ma mort ; poursuivons :

    - L’Assommoir de Zola, pluie et bruine dans les vapeurs d’alcool, alors qu’au dehors, à Lisbonne, il fait 36°.

    - Le plaisir des langues, entendues ici dans les rues, le flûtisme tendre de mon français, les clairons espagnols et pas d’anglais Dieu merci pas d’anglais

    - Drague à la FNAC : il y a donc la FNAC à Lisbonne ? Qui a dragué qui ? a dragué quoi ? ne rien perdre surtout ne rien perdre.

    - Le métro : de Lisbonne, aux deux lignes si mal foutues, de Paris si complet, si merveilleux, de Prague engloutissant Alphaville !

    - Les églises de Lisbonne, vernissées comme des momies

    - Gulbenkian, seul endroit frais, qui fait aimer l’art contemporain juste pour la clim

    - Fr. que j’ai failli voir et consommer sur place, et qui m’a aimé, que j’ai rejetée comme un mufle fasciste disait-elle, raciste, xénophobe.

    Cela tient une colonne. Mais en face, une classification ébauchée, avec des chiffres, c’est trop avan dans ma vie, 2000, plus que 2008, je cherche, je cherche des griefs et n’en trouve pas, voici,

    1. Filles dans le train, que je draguais toutes à la fois, par mon silence, la fixité de mes regards, gisant à mes pieds sur le tapis de train. Développer.

     

    2. Petits pavés noirs et têtus de Lisbonne, tranches coupantes.

     

    3. Croisière du bateau fluvial, et ces immigrés incultes qui s’étonnent de l’aspect du Tejo, parfaitement, du Tejo,

    4. Le Monument des Conquistadores, avec juste une femme, la Reine Isabelle, au pied de la bite – Erotisme plus fort des blottissements que toute sorte de pénétration.

     

    5. La Tour de l’Estoril, toute petite et qu’on ne visite pas, et non loin le banc où je me suis assis, photographié comme point le plus à l’ouest de ma vie.

     

    6. Les Jéronymes (ou Jéromines?) (Vasco, Camoès dont j’ai caressé le front en priant, et Pessoa inaccessible (travaux).

     

    7. Pourquoi les magasins sont-ils toujours fermés à Lisbonne ? Dents et langue en avant.

     

    8. Je devrais voir le quartier Moniz – Importunité du Mâle

     

    9. Les montées, les descente – Livraison des visages dans l’innocence

     

    10. L’Ombre et le Cagnard – Qu’est-ce que la beauté ?

     

    11. Délices de la pensião – Imaginations de gouineries entre compagnes de voyage

     

    12. De petites gens, de petites portes, de petites maisons, de petites rues. Imaginer les sexes se chargeant de sueur et de crasse pendant la nuit.

     

    13. Château St-Jorge - « Ils dort tous[sic] – y a que le vieux qui dort pas.

     

    14. - Vieira da Silva- Finir par « Vous n’avez pas fermé l’oeil. Je sentais votre œil sur nous ».

    l’oeil sur

     

    15. Wagon-restaurant

    …ce ne sera pas long… vous verrez… Conclusion : elles savent que je mate

    Parler de Cortàzar à la fin, sur ses parkings d’autoro

     

    Je suis allé à Lisbonne. Tout le monde va à Lisbonne.

    « Voici la relation de mes cheminements »

    Si j’étais… (Cortàzar, Vargas Llosa) (Paul Morand), ce serait passionnant.

     

     

    DANS LE COMPARTIMENT

    C’est si vieux. Ça ne veut pas venir. Un interminable enfermement, deux heures silencieuses en rase campagne, Huit places en face à face. Le seul homme. Des jeunes femmes. Bien trop jeunes et frappées d’une extrême fatigue. Seul mâle de cinquante-huit ans. Monde envahi de jeunesse. Des jambes blanches des deux sexes sous les sacs ado.

     

    Trop vieux pour moi les sacs à dos. Bien fait de ne pas en prendre - trop vieux pour y prétendre.

     

    Mes seules valises,.

     

    Colonie de vacances pour filles de vingt ans. Fauchées n’ayant ni avion ni billet couchette. Moi non plus. Avec qui voulez-vous coucher ? personne. Toutes ensemble et moi. Bavardent non de cul jusqu’à1h 18. Je ne suis pas ta mère, je lui dis. - J’en ai tant pris avec les hommes que je préfère la solitude pour l’instant – dormiront enfin, raffalées, repliées.

     

    Harem de sept, Sept d’un coup. Épuisées… éreintées… Pauses de pantins sans une once de lascivité. Elles ballottent, leurs poitrines retombent, tressautent, sans harmonie ni suite. La fesse sous le vêtement plus suggestive et ronde, régulière et statuaire, attirant la courbe accompagnatrice – esquissée dans l’œil et du fond de la tête à l’extrémité du nerf.

    Insomnie féroce. Que le vie devienne vision. Que le mot justifie ce qui vit. Cause entendue.

     

    Sur l’une d’elles la pureté du sommeil, sur l’autre un profil pur sous sa main repliée,comme parant un coup, plus tard d’autres et d’autres encore dans l’avancée de la nuit, à Santander, a Venta de Banhos, 5 femmes et 3 hommes font 8, parler aussi des mecs. Une jeune mariée avec un Asiatique – piercings à l’oreille, confiscateur, poseur de danses simiesques. Déjetés les deux. Colliers. Blousons. Contrefaçons tous deux trop mâles ou trop femelles. Inapte à capter mon quelconque intérêt mais bientôt le harem assoupi (j’écarte les façons des hommes) (la rhétorique d’un désir) (encore invisible)

    ...Moins que mise à nu mais livrée dans ces enveloppes vestimentaires dévolues aux femmes – la mariée sur le côté me tend sa fesse qu’elle appuie à ma chair, compromis entre l’inconscience et la concession (elle ignore,elle sait, elle tolère) – ou bien : le blotissement est plus érotique, plus pénétrant que la simple érection – bientôt le harem ballotté (…) - déjà usité -

     

    RUES

     

    Pierres noires. Lisbonne ville noire. Rues ombragées et sombres. Perpétuel bossellement de la plante des pieds. Les sandales n’ont pas lâché. Aires très restreintes. Saleté des restaurants.

    Baudelaire notait dans Pauvre Belgique : les rues de Bruxelles, disait-il, toujours en pente, sont peu propices à la flânerie – qu’eût-il dit de celles de Lisbonne !

    On marche 20mn, on s’arrête : comme à Prague (Praha-Brüssels-Lisboa – triangle d’Europe) rien pour s’assoir, et comme le notait Baudelaire encore, impossible de se soulager dans la rue. Rien d’autre à voir, que l’ambiance. Les numéros d’immeubles se succèdent rapidement. Ce sont des petites gens qui quittent leurs petites maisons par de petites portes d’appartement donnant sur de petites rues.

    Impression d’une capitale arrêtée en 56 (de mille neuf cent), avant le Grand essor économique, une ville corsetée dans un réseau archaïque, anarchique. Surtout ne rien changer. La capitale s’étend vers le nord-ouest, où s’entr’aperçoivent des barres de HLM : qu’elle s’étende ! Surtout ne rien détruire. Epargner à Lisbonne le sort de Pékin.

    Pékin manquait.

    Une petite vieille, rogomme, acide, revêche. Jamais elles ne se consolent. Avoir été la cible des regards et des flèches dressées, puis passé cinquante ans à se retrouver comme un homme, qu’on ne regarde jamais… Bien fait pour leur gueule dans un premier temps, mais compréhension aussi des hommes. Eux aussi ne sont plus que des Vieux Messieurs asexués, dont les femmes ne comprennent plus pourquoi ils se permettent encore de les regarder. Degré de plus dans le déclin, dans la déchéance. Et le visage de la vieille s’attendrit, les rides se repassent, s’aplatissent, les méplats élargis de sa face recaptent la lumière, autant que les rides l’avaient absorbée. C’est un petit chien qui pataude et clabaude au-delà des arceaux sur l’herbe.

    Elle redevient pré-ménopausée, on l’entrevoit toute jeune, avec, simplement, quelques ombres. Elle ne tient plus à la vie que par un chien. Phénomène accentué chez cette autre, sur ce fauteuil.

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  • BHL Le diable en tête

    HARDT VANDEKEEN « LUMIERES, LUMIERES »

    BERNARD-HENRI LEVY « LE DIABLE EN TETE » 42 01 25 3

    On va dire « encore lui », encore BHL, on va dire « il fait sa pub », « il a ses séides» eh bien non, pas du tout, pas du tout, je n'ai nous n'avons pas touché un radis pas un shékel, et de plus, l'ouvrage dont nous parlons a paru en 1984, ce n'est pas uen nouveauté tant s'en faut, en ce temps-là il n'y avait pas la Bosnie, il n'y avait que l'Ethiopie, vous avez la mémoire courte bande de gangréneux, et le mur de Berlin semblait éternel. Ici pas de ce petit jeu littéraro-commercial « tu me vantes je te vends ». Si je vous parle d'un livre c'est parce qu'il m'a plu, ou débecqueté, ou indifféré, parce que je l'ai lu, simplement.

    Et celui-là, Le Diable en tête, fini à Sore le 9 janvier 1995 à onze heures trente (j'ai le tic de noter tout cela en fin de chaque volume à moi qui me passe dans les pattes) – celui-là continue à me hanter. C'est l'histoire d'un mec. C'est la mienne à quelques détails près. D'abord, mon père n'a pas été un collabo bon teint comme celui du héros. Mais fouillez bien dans vos mémoires, frères quinquagénaires. Ensuite, il n'a pas été fusillé, mais seulement condamné à mort et gracié. Puis, je n'ai pas vécu dans le luxe avec ma maman, qui ne s'est pas remariée avec un Rrrésistant. Le luxe, je l'ai eu dans l'imagination.

    Et puis encore, il lui arrive toutes sortes de choses, à ce garçon gâté, adulé par sa maman, exécré par son beau-père qui le traite de fils de Collabo – la gaffe – trop tard. Je sais qu'il est facile de fabriquer un personnage, dont j'ai oublié le nom, de lui faire endosser tout un poids de passé bien choisi mais pas si rare j'insiste, de lui donner du fric dans le roman et de lui faire faire toutes les conneries possibles et imaginables. C'est l'histoire d'un mec, d'un fils de facho qui devient gaucho, qui finit propalestinien, qui se mêle de terrorisme en Italie -mémoire courte, vous dis-je, mémoire courte ! - qui s'engage comme ouvrier chez Renault – ça, c'était peut-être avant, mais je ne suis pas chargé de vous raconter le livre dans l'ordre chronologique, et qui découvre, le pauvre, que le prolétariat n'est pas formé de saints austères attendant la Révolution en se prenant pour Robespierre mais se souciant fort de toucher sa paye et de regarder la télé.

    BHL fait le portrait de tous les cocus de la politique de gauche, d'extrême gauche, de Mao à Staline à Trotsky à Che Guevara tout y passe et trépasse, et tout est traîné dans la boue par l'auteur, tout est échec. Si l'on prend un déchet de la bourgeoisie rupine et qu'on le trimballe dans toutes les situations oùles circonstances et les faiblesses humaines, que dis-je les névroses et le cabotinage le plus odieux, permettent de détruire tous les idéaux, c'est trop facile, et ce n'est pas une preuve. Un tel héros que ce X., éternellement jeune, éternellement dupe de toutes les théories

     

     

     

     

     

     

     

    et idéologies visant à régénérer enfin l'humain et à lepurifier de sa pourriture originelle, ne peut être utilisé comme démonstration. Cependant, tout invraisemblable et récapitulatif, exhaustif même, que soit cet itinéraire, il n'en révèle pas moins en un résumé- un peu long, toutefois, un peu long : trop souvent un paragraphe eût suffi où BHL nous assène deux pages – mais en un résumé dis-je très caractéristique la théorie de son auteur, ailleurs illustrée dans un film : Les Aventures de la liberté. C'est fou ce que l'on a voulu libérer l'homme depuis la Révolution Française, dont Dieu ou Y. me garde de vouloir remettre en cause etc. etc. Mais du fouriérisme au socialisme au communisme au maoïsme à la fraction Armée Rouge à l'Intifadda et j'en passe (oui, je sais, je me livre à des amalgames à la noix, mais le dénominateur commun profond de tout cela est tout de même bien si je ne me trompe la justice universelle et la salvation de l'humanité où nous serons tous frères sauf les morts) - nous avons tous cru, jeunes et vieux, à l'un ou l'autre de ces mouvements, àl'une ou l'autre de ces mouvances pour être moins précis, quand on n'y ajoutait pas en plus une bonne louchée de chistianisme ou de freudisme. Or, l'humanité ne peut être sauvée. BHL, qu'on accuse sans cesse d'aveuglement et de girouettisme dès 1984, date de parution du Diable en tête, notait déjà cette faillite de l'homme devant ce qu'on pourrait appeler son péché originel qui est la dose indispensable de connerie avec laquelle nous avons été créés, dose irréductible et que j'illustre en ce moment même avec mes propos de vieux croûton soit. Et rien ne m'a fait plus de plaisir jubilatoire que ce jeu de massacre de toutes les idéologies quand elles débouchent, et j'insiste bien là-dessus, sur la violence, car il est bon d'avoir la foi, mais il est mieux d'avoir les foies quand les -ismes se transforment en manuels de poseurs de bombes ou de trafic de drogues. Les idéalismes sont pourris, ont été pourris de tout temps par les petits malins qui ne songent qu'au pouvoir, et la lutte pour les libertés n'est en haut lieu qu'une lutte de paravents – à grands coups de paravents sur la gueule, bing, bang – pour plus d'argent et plus d'esclavage. Alors que faire, docteur Lévy ? "Il ne nous reste plus que le courage d'être lâche", disait Philippe Noiret, perspective peu exaltante certes, mais pas plus que celle qui consiste à fomenter des attentats. Et puis si, perspective exaltante quand même, puisqu'elle nous laisse le vaste champ à des actions ponctuelles de grande envergure qui permet de se dévouer à toutes les causes nobles et ponctuelles qu'on voudra pour restaurer la dignité humaine, à condition de ne jamais généraliser. Apporter la télé dans les foyers de vieux, mais pas en Amazonie, par exemple, et l'exemple se discute ô combien ! Mais ces leçons de morale nous font chier, ô commentateur

     

    usurpateur. Si tu nous faisais lire le texte ? En voici en voilà, pour que tu juges, indocile auditeur, de la valeur d'un style, car tout ceci est aussi de la littérature. Nous commençons par la page 47 de chez Grasset, puis nous poursuivrons par les multiples de 47, car toutes les méthodes se valent. P. 47 :

    "Impossible, bien entendu, d'avoir un mot d'explication."

    Court extrait d'un "Journal de Mathilde", mère du héros. Le livre nabigue ainsi d'un point de vue à l'autre de la mère au fils au beau-père au manipulateur. C'est du grand art. Mathilde est une petite cruche mariée à un collabo. Ça fait mal de le découvrir. P. 94 :

    "On devine l'effet sur la salle... La température qui remonte d'un seul coup. Les jurés qui "sortent de leur torpeur. "

    Eh oui ! Le collabo se fait juger, un témoin juif rescapé vient dire que c'est lui, là, dans le box, qui l'a fait déporter ! P. 141 :

    "Ça peut vous paraître bizarre et c'est peut-être bien, après tout, une autre de nos erreurs. "Mais le fait est, c'est vrai, qu'on n'y est plus du tout revenu et que s'est noué entre lui et nous une "sorte de contrat tacite aux termes duquel le sujet était comme forclos. Pourquoi ?"

    Chez moi non plus, braves gens, je ne savais jamais pourquoi mes parents se disputaient. Ma mère parlait de "tes conneries pendant la guerre", mais lesquelles ? P. 188 :

    "Yvonne enfin, une très vieille amie de Mathilde, celle-là, qu'il était allé chercher, "traquer, circonvenir comme un furieux et dont il n'a réussi qu'à briser le cœur et le ménage."

    Car il faut que vous sachiez, Mesdames, que tout héros de roman se doit de tomber les femmes, surtout ici les vieilles rombières, complexe d'Œdipe oblige. Y aurait-il imitation de Sollers? Perfidie... P. 235 :

    "Que te disais-je, ma chère Constance ? Je n'ai emménagé que depuis trois jours – et tu ne peux pas savoir combien je me sens bien déjà, à mon aise, à ma place. Pense donc !"

    Il s'agit ici du journal – encore un – de la petite Alsacienne provinciale donc sur laquelle notre héros va se jeter dans sa soif de pureté... meurtrière. Elle parle comme une lectrice de Bonnes Soirées. C'est exprès, rassurez-vous bonnes gens. "Le 14 mars" dit-elle p. 282. On ne sait de quelle année. Les roaring sixties, wahrscheinlich. "Le 27 juin", p. 329. P. 376 :

    "Autant les deux premières étaient stylées, cossues, presque bourgeoises, et tout àç ait "inattendues en tout cas, dans un camp de réfugiés, autant celle-ci est vieille et lépreuse à souhait. Elle a quatre étages, en principe. Mais l'un a été pulvérisé par les bombes."

     

     

    Car notre héros se retrouve chef de faction à Beyrouth. Il faut qu'il passe partout, partout où se joue le sort de la liberté, pour être véritablement exemplaire. C'est un peu long. Mais ce siècle a trouvé long aussi, et continue de trouver long, ces actualités sanglantes qui ne changent pas de puis des décennies. Cette Liberté pour tous qui n'en finit pas d'accoucher, et d'accoucher des monstres. "Est-ce que ça va durer longtemps comme ça, me dis-je ?" - ainsi s'exprime celui qui veille sur notre héros, et qui peut-être le manipule au nom d'intérêts supérieurs et obscurs. Alors l'auteur termine par un grand dégoût de soi-même, un beau mouvement de résipiscence, de retour à soi-même dans le repentir, juste avant suicide, suicide d'un temps tout entier.

    Le héros n'a plus pour se raccrocher que des pans d'enfance et d'adolescence. C'est du Camus, moins Camus. C'est vache ce que je dis là. Mais lisez quand même Le Diable en tête, de Bernard-Henri Lévy. P. 473:

    "C'était le temps où les mannequins s'appelaient toutes Bettina, cherchaient des maris "américains, avaient le même indéfinissable accent aux sonorités vaguement anglo-saxonnes et "commençaient d'inventer cette singulière démarche, mi-vive mi-paresseuse, pleine de morgue en "même temps que de sensualité, dont elles ne se sont, depuis, plus départies."

    Quelque part entre Cartano et Aragon. Vache...

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  • KHYRRS ET TZAGHÎRS

    COLLIGNON KHYRRS ET TZAGHÎRS 2

     

    1. La stèle

     

    Ici le fleuve entaille la falaise. Six cents doghs de dénivelé. Au sommet, la ligne des arbres – en bas, la trouée du rapide et son ravage de troncs. L’eau fume jusqu’aux premières savanes sous la pente : c’est là, au bout de la dernière piste, que se devine sous les herbes la stèle d’Alloum-Khéfi.

    « Lis ce qui est écrit !

    - Comment serait-ce possible, ô Badjar, à celui que tu as privé de la vue ?

    - C’est juste.Qu’on l’achève.

    Un esclave pousse le Blanc, qui tombe à quatre pattes et reçoit sur la nuque le froid tranchant du ssûtak ; un autre entraîne le corps et la tête hors de la piste, à portée de hyènes.

    « Blanc, lis-nous le texte de la stèle.

    - De la dixième année de mon très glorieux Règne

    « Quiconque, homme ou femme, de peau noire, ayant franchi la borne du Royaume

    «  Sera sur-le-champ exécuté ».

    Un vaste éclat de rire secoue les Suivants sur leurs méharis, et gagne la colonne des guerriers sur toute sa longueur. Le prisonnier halète. Le ssûtak recourbé s’élève sur sa tête, mais le Badjar fait un geste condescendant : « Laissez-lui la vie ». L’homme est tiré en arrière par la corde qui lie ses poignets. Le Badjar tend le bras vers la stèle. Aussitôt dix guerriers s’arc-boutent à sa base et s’écartent d’un bond quand la pierre s’abat dans un creux d’eau sous les herbes, avec le bruit lourd d’un hippopotame touché à mort.

    Alors une clameur remonte la colonne jusqu’aux lisières de forêts, et plus loin, où l’on n’a rien vu. Le Badjar a levé trois fois le ludabeth, sa lance-d’appui, qui descend jusqu’au sol le long de sa monture, et rythme la marche vers le nord : Hy-bâ !

    Hy-bâ ! crient les flancs-gardes.

    Le Badjar marche en tête sur son méhari. Ses lèvres sont bleues. Son crâne aux tempes poncées porte une crête rousse de la nuque au front. De sa ceinture partent huit longues étoles rouges, tendus en étoiles par huit esclaves à pied, aux lèvres bleues, le torse nu. Ainsi maintenu à mi-corps, il avance avec majesté, comme une rutilante mygale.

    Les tendeurs d’étoles trébuchent sur les longues-herbes, prenant soin de toujours garder le tissu soigneusement tiré. Leurs traits et leurs muscles luisent. Sous la taille écartelée par les écharpes tendues à se rompre, un pantalon bouffant d’étoffe blanche à crevés rouges. Les pieds sont nus. Derrière l’imposante pyramide formée par le Badjar et ses étoliers, les treize fouroukh montent des chevaux noirs à crinière courte. Les fouroukhs ou maréchaux ont la tête rousse et la bouche bleu saphir ; mais leurs cheveux sont plus ras, et leurs prérogatives ne vont pas jusqu’à s’autoriser la garance pour se peindre, ou la poudre d’indigo.

    Ainsi se règle la tenue des officiers, reconnaissables au nombre de leurs bagues.Les serre-files agitent leurs baguettes de cuivre. Le peuple tzaghîr est en marche : hommes et femmes en état de porter les armes. Ils ont tous les cheveux roux, les lèvres bleues et vernies, et lorsque le Badjar tourne la tête, il aperçoit, en file interminable jusqu’aux Gorges de Lazb, un immense dégorgement humain de braises rouges et de peaux noires.

     

    X

    X X

     

    TZAGHÎR FRANÇA1S

     

    « Mior utimer wendrè halemu «  Nous avons ainsi cheminé

    « horpowo biongak cho rikao, «  jusqu’au coucher du soleil,

    «  pö ruzuerru rok mispa fwonga. «  qui s’abaissa sur notre gauche.

    «  Ja bunsuéla u jumbu ku nkéakè, «  Le bounsouéla a lancé la prière,

    «  nör mior utimer diklu «  puis nous avons formé

    « diklu kar bakbar chuzuma. «  les cercles d’ébène.

    « Ha nikhuè jami  «  Je portais le numéro 743

    «  rior kaq ipshkar Schebbi «  sous les ordres d’Ebbi

    «  as ha gor runuzu «  et je fus séparé

    «  sha Hamaoua. « de Hamaoua.

    «  Ba riok-jou, ha bilnwè «  Ce soir-là, je comptai

    «  tchoumer ju turmankwèma «  dans la vaste plaine

    « …. «  plus de 50 cercles,

    « …e aucun Blanc n’apparaissait encore. Mon tour de garde n’intervenait qu’aux quatrièmes «  veilles. Je dégainai mes deux épées-de-main, l’une plus courte pour la gauche, et l’autre «  pour la droite, et les plantai dans le sol comme il m’avait été enseigné. Puis je déroulai le « çèmo qui ceignait mes reins pendant la marche, et m’y enveloppai. Je ne pouvais dormir, «  enfin parvenu au Pays Blanc... »

     

    X

    X X

     

    « Maîtresse !

    - Que me veux-tu, à cette heure de la nuit ?

    - Pose ton Rouleau-des-Lois, viens à la fenêtre !

    - Je suis trop âgée pour pouvoir m’étonner.

    - Tu n’entendais pas ce bruit par la ville ?

    - Me voici près de toi. La nuit est restée chaude.

    - Les guerriers se sont rassemblés sur la place et les rues voisines remplies.

    - Les flambeaux luisent sur les murs de sable.

    «  Au-dessus des ruelles invisibles je vois le tunnel pourpre des torches.

    - Ils partent cette nuit pour le pays des Khyrs ! »

    Djezirah et sa servante demeurent accoudées sur le balcon. Tous les contingents mobilisables d’Aïn-Artoum se sont agglutinés, bloquant la place au coude à coude. Les lances tendues à l’alignement jettent des éclairs roux. Devant le premier rang est ménagé un espace libre. Une vaste gifle de métal:lesl ances se sont redressées. Le Dovi paraît, escorté de deux colosses aux lèvres violacées. Ils élèvent sans effort le Chef sur le pavois.

    « Troupes aimées, guerriers !

    « Il est venu, le temps des prophéties.

    «  Plusieurs fois nos marchands sont allés au gras pays des Blancs

    « Les Khyrs, les Gorgés.

    « Plusieurs fois leurs curieux ont grimpé sur nos plateaux Tzaghîrrs.

    « Nous sommes curieux, nous aussi.

    «  À présent nos marchands sont armés

    « notre noir empire est plus ancien qu’eux :

    «  nous sommes les fils de la Lune et du Vent, Enfants de Toutes-Aures.

    «  Que le Premier Croissant nous éperonne.

    «  Lune a promis la Terre à nos conquêtes

    «  Depuis .540. années pour .540. autres années

    «  - Peuple Têtes-Rousses !

    2. La bataille de Drinop

     

     

    a)

    ! k

    ! k Les Khyrs

    !k !k tentent

    !k de déborder les Tzaghîrrs

    >>>>>>>>

    TZA !k Ceux-ci percent

    >>>>>>>> leur centre

    !k !k et se rabattent

    sur ceux qui

    !k voulaient les déborder.

    Le centre Khyr est en fuite.

    ‘’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’’

    b)

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    Récit d’un jeune Tzaghîr, Héri

    (dans le style de sa nation)

     

    « Ma taille n’excédant pas le rayon du soleil (1), je fus introduit au corps agile des

    «  Archers. Ce sont les plus parfumées de nos guerrières. Choyé d’une majorité de

    « femmes, mon tempérament s’épanouit. Nos exercices alliaient la grâce à la prompti-

    «  tude. Comme prescrit par la pratique et les incantations, nous prouvons sur le terrain

    «  nos qualités d’infiltration et de repli, et la plus grande souplesse du poignet. Gliss é s

    «  parmi le trot des chameaux, nous décochons de bas en haut nos traits courts et mor -

    «  tels ; de nos couteaux nous achevons qui choient sur le sol.

    «  Nous avons adopté la position du Croissant. Notre aile tenait le nord.

    «  À peine avait paru sur le tranchant de l‘horizon la muraille des Blancs.

    «  À peine les chefs de pointe avaient-ils levé leur lance de signal que nous fûmes enve -

    «  loppés sur notre gauche. Les sauvages escadrons lourds des Khyrs, si véloces sur leurs

    «  bêtes, frappaient lourdement comme une mâchoire de pince. Les guerrières f roissées

    «  s’abattaient sur leurs arcs flexibles. Les clameurs mêlaient leurs panaches. Pressés

    «  comme nous étions, dans une extrême excitation, le mouvement tournant sur la gauche

    «  nous fut freiné, mais ceux qui périrent sont tombés sur place. Chameaux et ar c h è r e s

    «  mêlées, nous autres quelques hommes, parvinrent à faire front : cohue, retrait du bras,

    «  corde bandée, flèches tirées d’en bas.

    «  Que notre combat semblait solitaire !

    «  Nous avons tenu, enveloppant les chevaux des Blancs sous nos nuées de pennes. Et les

    «  Blancs à leur tour chantèrent l’atroce mélodie de la souffrance : jarrets tranchés des bê-

    «  tes, cous harassés qu’on égorge, dards fichés au creux des tripes. Nos parfums tournè -

    «  rent sous la fadeur, alors les Blancs pleurèrent. Leurs arrières sentirent le poids des lan -

    «  ces d’avant-garde, qui s’étaient refermées sur eux comme une coque. Nous en a v o n s

    «  consommé un grand massacre, fabuleusement regorgeant d’hymnes d’amour, et les « archères mourantes jetaient leur dernière œillade. Nous avons appris qu’un autre fruit de « guerre s’était refermé côté sud, autour du second bataillon des Blancs : deux lunes « digérantes avaient donc tournoyé, côte à côte et s’ignorant.

    Prévenus par leurs éclaireurs, les Khyrrs ont mis leur point d’honneur à progresser sans se dissimuler, avec tout l’apparat possible ; les Tzaghîrs ont adopté, pour se déployer, la formation du Divin Croissant (Tchétem), particulièrement adaptée en terrain plat. Au centre, les Chameaux Lourds (Djoulavor), peu rapides mais pourvus de longues piques de 15 pieds. Aux ailes les chameaux de charge, les archers, et les « Petites Tailles » ou fantassins (Nassar). Les Khyrs, eux, de peau blanche, se sont tenus aux normes classiques, en quinconces. Les cavaliers portent sur leurs épaules un voile flottant de couleur claire, attaché au cou par un système d’agrafes d’or. La disposition en croissants des Tzaghîrs offrant à leur course un large espace, ils l’attribuent à la lâcheté de leurs adversaires. Atsahî, sous ses pans de toile blanche, caracole sur le front des troupes : lançant sa monture, il la bride d’un coup tous les cent pas, afn de haranguer les guerriers : la bête se cabre et bat des sabots à hauteur des têtes. N’avancez pas ! crie le hobozem aux troupes d’infanterie. « Vous devez tenir sur place, tant que nos cavaliers n’auront pas tourné les forces des Lèvres-Bleues ! » Les recrues, au comble de l’exaltation, saluent de leurs épées levées.

    À cent pas, Atzahî réitère son appel, la même scène se répète, hallucinante. Les Khyrrs des ailes nord et sud ont engagé la charge. Leur confiance est forte. Très vite les chevaux lourds se truvent aux prises avec les petits chameaux ; lesTzaghîrs ont à peine eu le temps de se rabattre de côté. Mais les pertes sont lourdes à cause des archères.

    C’est alors que les jeunes Khyrrs, demeurés calmes en dépit du désir, virent fondre sur eux la lourde masse des piquiers montés, visages durs, lourdes lances noires abaissées à quatre pieds du sol au niveau des poitrines, quinze rangs de chameaux géants trottant l’amble ; chaque pique est forgée de façon différente, multiples clés d’une serrure unique : la mort. Les jeunes Dix-Huitenaires ne tentent pas de résister. Ils se laissent glisser sur les ailes ; quand les lourds chevaux khyrrs, sentiront sur leurs flancs prêts à les seconder les vaillants fantassins bouillonnants de jeunesse, quelle ardeur ne les poussera point, cœurs d’homme à poitrail de bête !

    ...Car ces Tzaghîrs ne savent combattre que de loin, pique ou arc ; qu’on presse leurs thorax, bien peu résisteront- mais voici des cris qui s’élèvent au dernier rang des fuyards, stratèges malhabiles : les Chameaux-Lourds et les piques entrent en danse, côté dos. Et il faut bien se retourner, faire face trop tard aux longues barres, découpant les poitrines en dentelles variées. . De part et d’autre de la percée, les Chameliers se sont rabattus : chaque parti de Khyrs se trouve encerclé. Chaque boule d’épines, furieuses, pressent et perçoit les appels de l’autre part, également bloquée. La pression s’accentue, jusqu’à la curée. Très peu auront survécu à ce casse-noix.

    Les rescapés, jeunes conscrit, se sont bel :et bien enfuis vers Pikâr, la ville la plus proche, y semant la confusion. Les fuyards furent poursuivis et troués dans le dos sur plusieurs lieues de course. Cependant les Grands Chameliers ne les exterminèrent pas, comptant sur la terreur des survivants pour désorganiser l’arrière., mais obéissant avant tout

    à une coutume ancestrale et absurde : chaque engagement d’importance, victorieux en particulier, nécessitait le tirage des sorts, afin de décider de la marche en avant ou de l’immobilisation du front. Dans le passé, une telle superstition avait souvent causé la défaite.

    Les soldats tzaghîrs ont vu les Grands Chameliers revenir sur leurs pas, avec des huées de désappointement.

    Ebbi fit rassembler ses neuf meilleurs guerriers, couverts du sang ennemi. Puis neuf hommes blancs, les plus robustes, mais qui s’étaient laissé capturer. On les réunit sous une tente circulaire, la Tente d’Amitié. Tous s’y mirent nus, ce qui n’alla pas sans difficulté pour les Blancs, accoutumés à la pudibonderie. On se moqua d’eux pour commencer, à cause de leurs sexes scarifiés dans le sens de la longueur. Ensuite, le plus grand des neuf Noirs déclara : « Nous, qui vous avons défaits, nous vous servirons toute cette nuit. Nous nous témoignerons toutes les marques de la plus vive amitié ».

    Tous étaient nus et graves. La coupe de sang de bœuf circula lentement. Les pans lourds de la tente s’agitaient au vent réfléchi de la nuit. Chaque couple, se tenant par l’épaule, buvait joue contre joue l’âcre breuvage rituel. On se parlait à voix basse et assurée. L’interprète, au centre, faisait son office. On échangeait des poésies, des chansons fredonnées, et ces hommes devenaient proches. Un Tzaghîr expliqua, au milieu de la nuit, qu’il fallait échanger de son sang. Il montra l’exemple avec un jeune homme à peau rose qui se tenait accroupi à son côté ; l’incision à l’épaule fut brève, il s’accolèrent pour une mutuelle succion. Les sautres agirent de même. Puis Blancs et Noirs s’assirent en silence contres les parois, en alternance de couleurs. Posée sur le sol devant chacun d’eux, les lampes à huile projetaient sous leurs mentons des lueurs déjà cadavériques, creusant les joues et les mâchoires.

    La plupart s’hypnotisaient sur les flammèches. Si l’un d’eux venait à surprendre les traits de son compagnon, il baissait les yeux. L’un des Tzaghîrs, pour éviter que la nuit ne fût souillée par le sommeil, murmura le premier couplet d’une chanson d’amour. À ce moment tous entendirent, précis dans la nuit, les premiers coups des charpentiers.

    « C’est l’uñuosh qu’on assemble devant la tente ». L’interprète traduisit. Les Blancs écoutèrent. Les Noirs se résignèrent : l’ uñuosh, c’était l’échafaud, vaste ring surélevé, rond et ceint de cordes, où le combat terminal se tiendrait. Les hommes s’apprirent leurs chants, chacun dans leur langue.

    Au petit matin, quatre courtes cornes de brume s’étranglèrent aux quatre points cardinaux. Les hommes-sous-la-tente urinèrent, puis ceignirent un pagne, de couleur opposée à la sienne. Très vite les quatre cornes résonnèrent une seconde fois. Les hommes accoururent deux par deux. Ils s’étreignirent avec émotion, tout en courant, car l’un ou l’autre devait mourir. Les Blancs portaient un gorgerin de fer, les Noirs un casque – rapidement noués par un diacre-bourreau. Les affrontements furent brefs, étant donné la frayeur de chacun. Les diacres avaient recouvert le plancher d’une épaisse couche de sable. Après chaque duel, ils la creusaient et la déblayaient, aussi loin que le sable avait bu.

    La matière ainsi recueillie trouvait place dans des seaux de métal hermétiquement clos, qu’on enfouirait dans un lieu tenu secret. En une heure de soleil, les combats furent achevés. Les corps brûlés avec le bois de l’ uñuosh, l’armée observa le repos rituel d’un jour.

     

    * * * * * * * * * * * * * *

     

    «  Le couple de chameaux, fines jambes rapides,

    «  Bat l’amble dans les hautes herbes

    «  Kassim et Oultaïla

    «  L’ellipse orange peinte sur leur crâne d’or

    «  Court annoncer la victoire…

    (poème d’Agattîr)

     

    «  Un témoin raconta qu’il les avait vus, criant et riant, se lancer le message de l’une «  à l’autre monture : la boîte de bois verni tournoyait comme une hache, touchant la

    «  main droite ou la gauche, le coude ou la coquille du poignard. Leurs lèvres étirées

    «  - comme des saphirs fendus vola sur la crête des herbes.

    (Houbizé, XI, 11)

     

    «  Portés par l’élan, ils eurent franchi le défilé d’un seul bond, traversèrent la Terre

    «  du Cacao, la Terre Rouge, et proclamèrent à grande allure la victoire à travers les

    «  places d’Ikattan. Or on était en cinquième heure, en pleine agitation du Grand

    «  Commerce. Par l’enthousiasme qu’ils éprouvèrent, les marchands renversèrent « leurs étals, invitant la population à se servir, afin qu’elle festoyât. De toute part

    «  s’élevèrent les clameurs, toute la nuit le Peuple aux Crêtes Rouges célébra le

    «  combat de Gozar Gatzar. »

     

    3. L’arrivée des fuyards

     

     

    Bravant les dieux 300 hommes montés suivaient la retraite des Blancs. Ceux-ci, passéela débandade, s’étaient recomposés, sans courir. La nuit les trouva au lieu-dit Armalak. Les survivants des chefs firent panser les blessés : seuls les chirurgiens, regroupés dans un pli du terrain, purent allumer des feux de braise. La garde fut montée, les rondes assurées.

    Au matin, les soldats en retraite aperçurent, dans trois directions, les chameaux tzaghîrs à l’arrêt, à un quart de lieue, épiant.

    Des mouvements d’âme agitèrent les guerriers. Les uns voulurent achever les blessés, fuir vers le nord, et la ville. Les autres, plus nombreux, parlèrent de charger les Noirs insolents. Thérif, simple moyaf (1) promu chef, opta pour un moyen terme : on s’avancerait à leur rencontre, mais sans rechercher le contact. « Le Tzaghîr apprendrait à respecter le lion, même à reculons ». On fit ainsi qu’il avait dit. Chacun pouvait dénombrer, dans les rangs adverses, les silhouettes. Mais on ne distingua pas les visages. Aucun acte d’indiscipline ne fut tenté : pas un cri.

    Les Noirs n’étaient que trois cents, dépourvus de l’accord rituel des dieux. Le terrain les favorisait, car le sol ne cessait de descendre, si bien que les Blancs pensaient avoir dans leur dos l’avant-garde d’une puissante formation. Le jour suivant, les Noirs étaient plus proches. Cette fois-ci, l’armée entière suivait à courte distance. Les Khyrrhs devinrent nerveux. Peu après le milieu de la journée, Thérif aperçut d’autres troupes de son pays, qui s’étaient enfuies par des chemins différents. « Que font les Noirs ? » leur demanda-t-il. « Les Tzaghîrs nous suivent de près » lui fut-il répondu.

    La réunion des deux bribes d’armée, au lieu de restaurer la confiance, accentua la crainte. Le camp fut levé plus tôt. Les Tzaghîrs suivaient à présent, bien visibles, narquois. L’allure s’accélérait insensiblement, les alignements se défaisaient malgré les cris des serre-files. À présent les Noirs lançaient des quolibets. Les Blancs forçant l’allure, les Crêtes Rousses allongèrent le pas, et des guerriers, par jeu, lançaient le cri de guerre. Les chameaux, reconnaissant l’injonction, mais comprenant peu la plaisanterie, accélérèrent. Certains les freinèrent, d’autres non. Le reste de l’armée noire ayant rejoint ses éclaireurs se montrait à présent compacte.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    (1) 1,65m

     

     

     

  • LE JOUR DE NOTRE MORT

     

     

     

     

    Argh, virgule, chienne, salope, virgule, tu la sens ma grosse queue, (« écarte un peu les jambes que je pêche au large »), rhâ, bourre-moi le con, je n’aime que toi, grosse truie, virgule, « retiens-toi de péter » fermez-moi les guillemets, je vais partir, je pars, je t’aimerai toute ma vie. Point. Je t’aime, Heinrich. Je t’aime, Betty.

    - On se dit des bêtises.

    - Je me sens ridicule.

    - On fait des bruits de bouche, des bruits de cul. » Heinrich ajoute « en amour, tu abdiques ; tu fermes les yeux, tu bourres et tu jouis. Tu es banale.

    - Et arrête de me demander si j’ai mal. Je n’ai pas mal.

    - Ces propos de cul m’écœurent.

    - Moi je t’aime, Heinrich.

    « Tu ne t’appellerais plus Heinrich. Tu chercherais à me séduire. Je serais à une table de café avec des jonquilles dans un vase. Tu me sourirais, tu m’offrirais un verre, je t’entraînerais dans ma chambre juste au-dessus. Il y aurait des jalousies. Je serais excitée plus tard. Surtout tu fermerais ta gueule. Je te déshabillerais doucement, tu porterais une chemise en nylon jaune, tu lèverais les bras et tu me regarderais dans les yeux.

    « Je me sentirais amoureuse mais pas trop. Je ferais glisser ma jupe, il y aurait un lit de cuivre à boules jaunes, et je t’attacherais les bras et les jambes aux quatre coins, et tu reviendrais souvent à la terrasse du Soleil Lent », (« ...au bord de la mer, bonjour, Docteur. - Bonjour, monsieur le Sexologue.

    - …I am Doctor…

     

    - Tout baigne entre nous. Ma femme est moi.

     

    - ...confirmé ! treize ans de mariage, pas une défaillance.

     

    - Nous avons su garder intactes nos facultés de renouvellement…

     

    - ...d'épanouissement…

     

     

     

     

    - Nous sommes venus vous voir Docteur, pour vous dire que tout fonctionne admirablement bien.

     

    - Depuis tant d’années.

     

    - Nous avons pensé que vous aimeriez nous rencontrer…

     

    - …mon mari et moi, pour vous remonter le moral…

     

    - Merci Henri, Merci Lisbeth, vous pouvez rentrer chez vous, tout se passera bien, ne

     

    vous en faites pas, pour moi également, ha ha... »

     

     

    L'acte sexuel complet suppose, implique une connaissance approfondie de la sensua-

     

    lité du partenaire. Il est hautement souhaitable, voire indispensable, que les deux

     

    actants soient profondément amoureux. C'est assez dire que la perfection ne se ren -

     

    contre jamais, bien qu'il ne soit pas prohibé d'y aspirer.

     

    Si le jeu amoureux ne devait mener qu'à une gymnastique sans âme, mieux

     

    vaut s'abstenir.

     

    L'échange des souffles par les orifices buccaux facilitera la circulation des for-

     

    ces des deux sexes, ce qui s'appelle la Fusion des amants dans le souffle du Prâna universel et de Dieu s'ils y pensent.

     

    De retour chez eux, les deux sexes poursuivent le dialogue :

     

    « La perfection dit la femme (BETTY) me semble limitée. Pourquoi glisser vers Dieu ? notre exclusivité, c'est le mal.

    - Par le mal nous serions, dit l’homme (HEINRICH), en phase avec l’Ordre du monde, grands, et Utiles.

    La femme s’exclame qu’elle n’en a rien à foutre [sic].

    C’était une grande blonde aux longs cheveux tombants.

    Elle écoutait trop volontiers les discours mystiques.

    Parfois sans effort elle accédait aux cimes les plus escarpées.

    C’était une nature contrastée. Heinrich disait Humaine à ne savoir qu’en faire (le cerveau ballottait au bout de ces grands corps d’asperge, et le sexe y tenait une place spongieuse. Et ils s’aimèrent du mieux qu’ils purent.

    BETTE collectionnait, six par semaine, à grand-peine au-dessous du seuil de la prostitution disait HEINRICH, de la nymphomanie.

    « C’était avant de te connaître » disait-elle (« il ne connaissait rien à la nymphomanie », etc.) « Dans les petites annonces se recrutent les plus vicieux, les plus retors «  - garçons de café, garçons d’écurie – éjac faciale » - elle en rajoutait, non ?

    « C’est bon le vice .

    N.B. Les ouvriers sont les plus puritains.

    « Le péché ? Vous divaguez mon cher ».

    Les femmes sont incapables de faire le mal.

    « Si nous nous libérons, le monde tombera

    - À d’autres, dit Heinrich. Il cure sa pipe. La femme pour le jeu, l’homme à la guerre, les filles découpées violées par morceaux, bouts d’hostie dans le cul, tous membres jaillissant sous les obus, les ossements se font la malle. Femme égale pléthore. Homme égale néant. En faisant l’amour l’homme doit se retenir de tuer. Celui-ci ne pense pas du tout comme ça. Jamais il ne baise une mouche. Une goutte de sang le plonge dans l’hystérie. « Je veux mettre un peu d’ordre » dit-il à Bette « dans tes prestations échevelées ». De quoi rire en vérité. Répondre « t’es chiant ». -

    - Du premier jour où je te connus » dit-il » tu fus avare de tes regards, je ne voyais que ton profil et tes cheveux. J’ai passé tout un an à te surprendre en face. Ton œil était d’un brun pur de choses qui se mangent, tout s’est noué dans notre estime réciproque, j’étais le seul à te désirer, je ne me suis pas contenté de frôlements ni de raisonnements appliqués. » Heinrich domine, ordonne, tantôt l’homme est dessous, tantôt Bette. Il provoque, émet des grognements saccadés. Parfois la sodomie. Parfois le poignet (mystère).Parfois ils s’aiment, ils s’entraident, ils se manifestent de la tendresse, par paroles et en action, tout le jour. Bette et Heinrich ont gagné le concours de la maison fleurie en 88. Soudain, que se passe-t-il M. Heinrich ? sous vos cheveux blonds pâle à l’islandaise, vous, dans un bordel ?

    « Il faut bien que je rêve.

    - Mes compliments, M. Heinrich. Rêvez plutôt sur le papier glacé (ou sans, comme les femmes). Vous croyez vraiment qu’enfoncer son pinceau dans un trou gluant - gluant : à grand-peine – et cerné de poils rêches suffit à calmer la grosse Démangeaison d’amour (ressentie tout enfant parmi de gros draps gras?) - les aller-retours se succèdent : petites lèvres- col – grandes lèvres – museau de tanche - et que ressent la femme ?

    - C’est vrai que les putes s’épuisent à toujours se tenir sur le bord du jouir (« on n’est pas de bois ») sans conclure ?

    Ce n’est pas vrai.

    Le type, là, au-dessus, au-dessous, il ferme les yeux, il pense « je t’aime », s’il ouvrait leqs yeux, s’il fixait ceux de l’autre – qu’arriverait-il ? se moquerait-elle de lui ? Lui livrerait-elle un beau secret ? en pleurant « ne le regarde pas comme ça ça me gêne » ? Heinrich, le « blond islandais », monte au 28e avec sa maîtresse.

    Quelle activité !

    Lui qui préfère les chambres en boyau, les fantaisies d’étudiante égyptienne, on entre à quatre pattes, on progresse de même, pour se coucher juste – le voici escaladant une grande, grande bonne femme au centre d’un espace immense, sous des verrières, au dernier étage donc, avec vue sur les plantes vertes et les projecteurs !  « ...il n’y a que les aviateurs qui nous voient ».

    Ce qu’il aime, ce sont les noiraudes, les Tunisiennes, les minuscules aux seins de momie, on peut se placer dessous comme une bouillotte. Mais les Teutonnes aux grands bras en bataille, aux jambes de cisailles roses, blanches et rapides sous les sunlights… Helda lui fournit bien des avantages, lui offre des sensations, ...c’est une fille aérodynamique, on l’aime, tant qu’on la monte – on pense à elle, après, un peu, on se rajuste, elle sur son épaule, par une belle nuit de juin.

    « Je me sens lourd, lassé par tant de prouesses ».

    Nous nous sentons inquiets pour Heinrich qui s’invente des mots de tête et des picotements, précis les picotements, voire des suintements, des odeurs même pas très franches, alors, un bon test, une bonne panique, une semaine ou deux d’attente avec neuroleptiques, ils pensent donc tous à passer l’hémotest en même temps, les graveleux.

    Ce n’est pas amusant de cacher à Bette l’état où l’on se trouve, de juste doser les calmants pour ne pas débander, car il faut maintenir la régularité des accouplements.

    « Je t’aimerai toute la vie, même si nous devons mourir un jour, ou ne plus nous connaître un an, deux, trois »

    « J’ai passé avec toi de merveilleux instants.

    Résultat positif.

    Revenons à Bette : elle aime son ami, explorant avec lui le vaste champ du lit qu’il trouve ou feint de trouver si borné ; il faut à cette femme une activité calibrée, ce qu’il faut de manualité, d’intellect ordonné - mettons préparatrice en pharmacie. Elle lit aussi plus de trois livres par mois, l’histoire se passe en France. Aime Jean Vautrin, Saint-John-Perse à faibles doses, les pièces de théâtre d’Ödön von Horvath et les opera-seria.

    Une femme cultivée.

    Exerce le sain travail des labos (fenêtres hautes, néons tamisés ; elle est grande, moins qu’Heinrich, brune, un peu de félin dans l’avancée de mâchoire, museau froncé avec taches de rousseur aux commissures). Il est instructif de parler avec elle, malgré les sautes d’humeur (39 ans).

    « Séropositif ? Ils exagèrent. Ce sont nos concurrents. Ils disent ça pour t’emmerder. De toute façon si tu reviens chez nous, tu n’auras que de fausses informations. ; tu deviendrais une bête lâchée, une épave à pattes - doute, rongement, Satan.

    - J’ai compris.

    - Tu n’as rien compris. « Séropo », c’est pas « condamné ».

    - Je serai mort dans 15 ans comme tout le monde. Est-ce que je peux coucher avec toi ?

    - Non.

    - Je cracherai sur nos sexes, un petit lac de crachat qui tremblote !

    - Pas de germes dans la salive. Dans ta salive. J’ai déjà des douleurs de tête, toujours au même endroit sous l’os, j’ai oublié ton nom, nous allons jouer, très bien.

    « Les articulations du crâne sont dites soudées, du pariétal au temporal, du temporal à l’occipital, par de très fines césures imbriquées comme des frontières politiques : en tenant compte des bosquets, des sentiers, des buissons de mûres…

    - Chouette Bette, nous sommes à égalité.

    - Pas chouette : mon cancer est vrai, fini de tricher, personne ne veut plus crever de ça. Regarde la radio. C’est sous l’os de l’oreille, gros comme une orange desséchée. Tu sens le jus filandreux, fibreux. Les filaments du film sont des dendrites.

    - On ne voit pas les neurones à l’œil nu.

    - C’est le fil de mort qui se tend, ça déroule tout le cerveau si tu tires ».

    ...Délimiter, circoncire, exciser, la mort fait son marché, le cerveau de Bette dans le filet, le chou-fleur dans les mailles.

    - Si tu bois tu triche.

    - Trop fort, Heinrich ».

    Son Heinrich n’est pas le Diable. Il s’épile la barbe avec les ongles ; les champs de blé

    après la moisson n’ont plus que des éteules, et des brins de paille. C’est exaspérant. S’il avait le sida, la peau viendrait avec.

    - Il a le sida, oui ou non ?

    - Il se le fait croire, c’est pour accompagner sa femme, combine entre laboratoires, tu comprends ?

    ...Une femme brune, bouclée, belle bouche ; un front bas, volontaire, piémontais. Elel aime la bière, ils deviendront gros, très gros ! Difformes…

    « Je veille au grain.

    - Oui, Heinrich, veille au gras. Ils feront tomber mes cheveux. Il m’appliqueront le protocole de Clermont, douze mois de souffrance, douze mois de gagnés. »

    Il y eut cette promenade en forêt de Vercors, douce, au crépuscule d’automne. Leur dernière ! sur un sentier d’après la pluie, aux champignons frais, tous deux déjà ivres (lendemain des photos du labo, bien nette, bien noire, avec une orange bien blanche aux filaments défaits).

    Heinrich n’a pas d’enfant, 1m90, éleva les deux filles de Bettte à la façon d’un véritable père. Le soir tombe doucement parmi les chênes et les gamins fantômes à bicyclette surveillés de loin par leurs parents aux voix invisibles, hélant sous les branches et dissoutes dans le gris. Douceur du frère incliné sur la sœur condamnée, de la femme sentant près d’elle une sollicitude inquiète, enlacés l’un à l’autre dans le filamenteux cocon sourds encore à la douleur. Juste ces pointes à lointains intervalles, transpercements fins et perfides du pariétal supérieur en biais jusqu’au sinus gauche ; c’est bref, diffus, amorti- un filet, une toile. « Une bière ? - Quel humour ! une aussi pour moi. - Madame, il est tard et vous avez bu. - Barman, le froid se lève et je bois pour oublier la bière. - Vous n’aurez plus rien ni vous ni l’autre, ce n’est pas l’Oktoberfest ni le festnoz. - Viens Bette, on ne nous comprend pas, on nous soûle on nous jette – larbin, sto-oghe, ça ne te portera pas chance, t’as pas le droit de refuser l’extrême-onction le coup de l’étrier le pied au cul à Dieu.

    - Moi aussi je vais crever giclez de là, vous êtes à pied, ça fait longtemps que je vous tiens à l’œil ça fait bien dans le quartier franchement… - Garde ta morale pour ton cul de loufiat, viens Heinrich viens crever chez nous j’ai trois packs de Kro » Quatorze bis rue Desnos résidence Desnos. Huit ans résidence Desnos, le tour de trois pièces par le balcon, le ciel bouffé par la terrasse. Ils montent les marches, ils se tiennent l’un à l’autre. Ils tournent la clef dans le bois c’est le bois qui cède c’est le bordel ! Mais c’est le bordel ! Tu ne ranges donc rien ? Heinrich : Et mon boulot ? Ma thèse Micromagnétisme et bouche bée «  Nobody bouges in the cage d’escalier.

    Cuisine sale et bouteilles vides, un sac de MACANI pourri dans le coin, le chien ? Parti i’n’reviendra plus faute de nourriture on boit. Les deux filles majeures n’ont pas quitté l’appartement, l’ivrognerie, l’enfermement les traumatisent, la fac pour se distraire, les meubles du salon sont : un buffet, un sofa de velours piqué, des thèses de physique sur six rangs d’étagères du sol au plafond. La chambre à son tour comprend Deux lits superposés de jeunes filles, depuis dix jours que leurs parents savent la nouvelle ils boivent ils picolent. Ne vous plaignez jamais d’une vie monotone car le Cancer arrive attiré par la plainte on est bien emmerdé par l’odeur alléché MACANI CROQUETTES POUR CHIEN des gros sacs à l’épreuve des griffes à fermeture cousue serré serré.

    Avec le chien qui tire la langue sur l’image. Le sac éventré répand un glissement de grains d’1/2 mm³ en étoiles en cœurs aux couleurs ternies (au choix viande légumes protéines vitaminées) ou bien de raviolis, rigate, coquillettes réal des gros chiens (cocker tué par accident de chasse) (ou tué) Heinrich est tombé dans l’avalanche il a la tête en bas le cul coincé là-haut sur la chaise à roulettes ivre-mort il bouffe ses Macani bouche ouverte au milieu des croquettes moisies l’inconscient ! Depuis le temps qu’il est mort ! La nappe expose un grand nombre de 33cl renversées ou vidées debout. C’est vide et ça pue depuis 8 jours il n’a plus bu que de la bière et pas mangé du tout, la tête dans les croquettes enfin pas mangé « humain », ça fait toujours cet effet-là quand on apprend qu’on a le sida l’ébola le cancer absolu la cécité totale – don’t throw la bière into le vide-ordures parce que ça coince, les bouteilles vide, règlement intérieur de copropriété kopro « la merde » en grec « l’assemblée des copros » ça m’a toujours réjoui.

    Heinrich ne s’est toujours pas décoincé de son fauteuil à roulettes.

    Il remue un peu dans le Macani.

    Sa main rame dans le gravier rompu de vieux vomi car le Chien mange n’importe quoi

    La Femme a fait dans le subtil dans le sublimé genre Marie-Brizard sur le ventre en compote et les bras devant elle étendus sur la table les femmes c’est plus propre le sperme la vaisselle ça s’absorbe. Entre les bras sur la table au fond façon macramé (séparation de ces deux êtres infoutus de se bourrer dans une seule et même pièce) un dessin de sa main : au crayon gras, bien net, le trait sans repentir avant donc d’avoir bu ou juste après. Bette Novotgarten a dit Je serai putréfiée de potions par introduction d’entonnoirs jusqu’après la glotte, ils voudront que je vive forcément « vive », et j’ingurgiterai paquets, plaquettes, soigner la tête par le ventre.

    « Forcément, Bette – ça fera tomber les cheveux, poisseux, filandreux, par petites touffes pour faire marrant, tu te dessineras 1) une route 2) une crête 3) un labyrinthe au choix et tu arracheras tout, sans mal sans complications ni picotis, « Pas trop moche, une bonne tête pas difforme, la noblesse des Kényanes » au fait elles sont excisées « port de tête des Bantoues, perruque ou pas perruque » «  je vais me sourire dans le miroir » tes lèvres terniront, gonfleront, pommettes bouffiront puis couvriront les yeux t’as l’air d’un crapaud qui tète et qui étouffe aspire le vide en palpitant c’est dommage putain c’est dommage ils avaient tout pour être heureux. Le salon salle à manger, la nappe et la table ronde et l’étagère à photos, le vaisselier à fines balustrades (assiettes vers l’avant façon dauphinoise) et la bibliothèque du sol au plafond.

    Pas une place libre

    Des livres de maths, physique, astronomie – pas un Flaubert, pas un Stendhal vous plaisantez ? La science dominera le monde. Un seul ouvrage de médecine, une télé, cette cassette où l’on part des atomes à électrons visibles et des cellules, tissu intérieur des veinules et grain de peau, un homme, son chapeau et sa canne à pêche ; rivière, prairies, Aquitaine, la France, la Galaxie en 1mn 23s – PLUS, près du téléphone, un canapé de reps vert.

    À l’hôpital Cochin, le médecin à l’infirmier :

    « Nous aurions dû ménager la malade. Ne dites plus tout à trac je vous prie « Vous avez une tumeur au cerveau ».

    La fille du premier mariage s’appelle Katrine. Elle est grande, brune, fait du théâtre : ce soir, répétition de Much ado… in French. Katrine est timide ; mais sur les planches, elle les crève : une voix tribale, des yeux, des bras, la liberté des jambes sous la robe de soie perse (amour, menace, trahison : « Toute la lyre », petite troupe et le meilleur plateau de tout Grenoble. « J’aimerais » dit-elle « user de mon corps en vivant ».

    « La mésentente des parents du premier lit autant que du second ».

    «  Résister aux contraintes d’autrui ».

    «  Comme un bonzaï en pot » - mais scène tendre à l’acte III, le bouffon l’avertit en la tirant à part. Elle ôte sa robe perse en pestant, saute au volant de sa petite caisse anglaise et rue Desnos (St-Martin-d’Hères) son père en extension-torsion bouffe la pâté de chien tête au sol et cul sur la chaise, la mère affalée affalée devant le Ricard vide Coupez tout crie l’actrice tumeur moteur story-board ranger les bouteilles laver l’alcool restaurer la dignité, la grandeur du cancer est de placer l’humain face aux morts immédiates tu sais que tu es foutu(e) ainsi la panique les ronge souffrance ou domination ? La mère s’est levée a trié ses vinyles György Ligeti Le grand Macabre le père s’est redressé regarde sa fille en face et l’accuse de dureté. Il a dans les cheveux les étoiles en biscuit de Mac’ani Croquettes la fille dit :

    « Tu seras vivant dans douze ans mais tu ne seras plus toi ».

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Le jeu des parallèles

    COLLIGNON LE JEU DES PARALLÈLES

     

    NOSTALGIE

     

     

    « …qui devait s'affiner, filer à l'infini, vanish and disappear, Mylitsa, « l'un l'autre » « l'un pour l'autre », « je t'aime » en salade, tout ce paquet de lettres où nous ne cherchons plus rien.

     

    Quel somptueux mariage Mylitsa, extrasmart assistance, les Prest, les Hampérus, Vautour, Volov de Berwitt, et tous les enfants. Cortège, lange Wagen, lents éclairs glissants sur les chromes, carillons, moteurs et trompes rugissants, caravanes enrubannées (poignées de portes, ailes et antennes garnies de ces petits papillons de tulle que huit jours de vapeurs d'essence suffisent à transformer en petits tampax endeuillés. Femmes, filles et garçons d’honneur porte-traîne, enfants de chœur, disposez bien les drapés sur la pelouse en transparence se devine la vasque et le cygne. Souriez.

    Nous fûmes à notre tour rubiconds et bovariques, jusqu'à quatre heures on mangea puis il fallut, passé le dessert, témoigner de nouveau par le bruit notre joie dans la ville, vitres étincelantes. Et dans la dernière voiture, gréée de poupe en proue de rubans rose gras, médaillée comme un foie de porc et crucifiée de bandes roses à pompons, perdus dans le tulle sur le siège arrière, sous les plis finement repassés, tes yeux tristes. Chaque fois que je vois passer un mariage, que m’assourdissent

    les trompes synthétiques etc. braillant aux feux rouges La Cucaracha, c’est la même marée qui me remonte du cœur à la gorge où la salive s’accumule puis sous les paupières – s’ils savaient mon Dieu s’ils savaient ce que personne ne veut savoir, cette lourde chose de la vie conjugale qui serpente et se replie entre berceau et lavabo, la tâche que c’est de tendre à bout de bras le jour en jour d’amour. Mystère dégradé en cérémonie vineuse. Je n’avais pu obtenir de faire taire un seul instant, rien que pour nous, la cacophonie des klaxons. Il faudrait marcher seuls, émus, méditants...

    Le mariage reste en ce temps-là le Jeu où la vie se noue, sans rémission, inéluctable, etc.

    Je m’unissais à une divinité, énorme dans sa robe, en un rite barbare, elle en blanc, moi en noir -

    j’ai l’impression d’y être resté. Toi le soleil, le soleil, la bataille, et moi le plomb ; lourd, obscur, laborieux, fonctionnaire.

    Tu es partie chez un vieil homme, sur une lettre absurde et enflammée. Cette ville a pour nom Théople. Je ne l’avais vue qu’une fois. Tu as déjà tout un passé. J’ai renié le mien, je te livre aussi mon avenir. Nulle aventure ne me tente, sauf celle du moine. Je monologue en allemand, je capte à la radio le Süddeutsche Rundfunk, j’ai un tiroir entier de documentation, München, Wien, Hamburg. Pour aller là-bas, me faire naturaliser, il faudrait me séparer de toi, le jour où je voudrais trancher – nulle décision ne te coûte, brusquée, vivante. Toi : tu ne te sens pas coupable de vivre.

    « Qu’est-ce que c’est que ça ?!

    « Je hais, j’envie, j’aime… te hais, t’envie, t’aime… il ne tient qu’à moi, naturellement » (« de... ») - nous en restons là pour le moment – 1000km, ce n’est pas le bout du monde » - Mylitsa, surtout : danse, choisis, pourchasse ! Tu n’as cessé de poursuivre tes rêves, ils pourraient sans surprise surgir tout armés au-dessus du monde. Pour moi ces briques que je vois, ce sol terne ont déjà trop de poids pour contenir autre chose qu’eux-mêmes. Plutôt que « tirer au clair », je voudrais refondre au gouffre la totalité de l’existence. Du réel, faire un rêve : ton exact contraire.

    Une âme vide que le monde ne saurait combler.

    Une âme comble que nul rêve ne peut aérer.

    Tu projettes, j’aspire. J’ingère.

    Ma chambre est cubique et close. J’écris depuis mon lit où tu n’as jamais dormi, où les deux corps d’un couple mort ont creusé côte à côte leur place. Je me mets sous le couvre-pied. Il fait déjà froid. Sur les murs un papier peint bleu, cru. Gros bleu dit Z. Le lit est immense et profond, craquant. Son cadre engloutirait plusieurs édredons. Mais THÉOPLE au bord de mer a de si hauts immeubles, clairs et si aériens ! Tu ne vois ni goudron ni galet ni la transpiration des gigolos sur les matelas de plage ni leurs corps moulés de blanc sur les trottoirs de la rue Jan- Mayen.

    Nos rêves sont étanches. À propos, je bois beaucoup moins depuis que… Mon alcool à présent, c’est Proust. Mais j’y étouffe. Son monde est inassimilable.

    Est-ce que tu me manques ? je te parle tout bas dans le creux de mon bras, ce qu’on appelle la saignée. Je sais à quoi je m’expose. J’aimerais changer de souffrance.

    * * *

     

    Joie, Halpérus !

    Enthousiasme ! Énn Théô !

    Ce n’est pas trop de sauter en l’air, de danser, car je danse, Halpérus ! Le Prince m’a inscrite aux Cours Internationaux de Sandra Greathiger ! Les soldats criaient THALASSA et s’embrassaient au milieu des neiges. Colomb criait TERRE : je possède à la fois la Terre et la Mer et la Ville ; ses collines plantées de pins, la ville où le béton même se fait harmonieux : clair, droit, volumes verticaux agrafant le ciel à l’eau - à propos de ce que tu m’écrivais la semaine dernière, je suis bien entendu d’accord : la situation doit se dénouer. Je ne vois pas pourquoi tu en fais un tel plat. Tu rumines, mon pauvre. Mais ici, il se passe des choses : THEOPLE est vivante, et tu es mort. Théople est immense, mon âme est à sa mesure.

    Tu ne pourrais pas tenir ici. Ton âme à toi est à la mesure d’une chambre, d’une pantoufle. Peut-être gagne-t-elle ainsi sa densité. Mais la mienne passe à tous les vents.

    J’ai une chambre vaste et somptueuse. Battants de fer forgé devant les glaces. Lustre en cuivre délirant, garni de chaînettes et de pendeloques. Fenêtre à impostes bulbées, fourrures, tapis, lit à colonnes. Partout du vert, du rouge, de l’or, des moulures en losanges. Toutes les chambres donnent sur un mezzanine, filles d’un côté garçons de l’autre – mais grâce au balcon... Il doit y avoir d’autres chambres plus haut, je n’y suis jamais montée. En bas c’est une espèce de salon, où le Prince quelquefois vient lire. Nous le regardons depuis la balustrade. Il ne monte jamais nous voir.

    ...Cette scène que tu m’avais faite, quand je t’avais dit mon intention d’aller là-bas ! « Exotisme de pacotille », « évasion de petit-bourgeois » ! Tu m’as traitée de midinette, de pétasse à romans-photos… Oui, Théople est laide, on n’y voit que des bâtiments, des magasins, pas de vieux quartiers – « le Queysset » vous dit-on d’un air dédaigneux mais c’est très loin – une circulation débordante, du soleil, des plages privées...Gratin décati… « Babylone de la connerie » disais-tu. Mais pour moi ! Quelle naïveté bien sûr, quelle provincialerie – à la rigueur, si je parlais d’expositions, de salons, de potins – on serait indulgent, on comprendrait. Il en est beaucoup même qui applaudiraient – où peut-on vivre ailleurs qu’à Théople – mais pour moi ce n’est pas ça.

    ...Les dessous, les tripotages, « sonder la corruption sous le masque », « les plaies secrètes » - c’est encore trop plat, trop attendu. Je ne suis pas venue potasser une thèse. Rien de répertorié. Je vois Théople à travers un prisme. Un long volume blanc percé de trous stricts à intervalles réguliers : le Centre Sandra Greathigher, sur la pente, domine la cité comme un phare – la liberté, la danse éclairant le monde. Et de l’espace où je m’exerce baies ouvertes sur la ville, mes battements de pieds frappent buildings et trottoirs pavés d’or, afin que seuls survivernt aux bords de mer les corps des androgynes aux longs flancs de sable, et l’esprit de la danse, jambes ouvertes, entre les rues vivantes et le soleil. Je vois Théople à travers un visage, des mains : le Prince est grand, noble et généreux. Mais nul ne partage son lit, qu’un petit gringalet blond, méprisé, toléré.

    C’est grâce au Prince que le Centre subsiste ; il héberge chez lui son trop-plein d’étudiants. Ses yeux pénètrent et fécondent les bouges où mes désirs basculent ; percent les murs des salles où les matins me ressuscitent. Nous marchons et dansons dans les yeux du Prince. Et ses mains diaphanes tendues contre le ciel donnent aux rues la lumière, soutiennent et cambrent les tailles.

    Je vois Théople au travers d’un diamant, qui serait mon cœur.

    Théople… Ce nom que j’ai inventé, redécouvert sans doute, cent fois prononcé, cent fois oublié, grâce à moi désormais destiné à ne plus périr, grâce à l’éclat dont je l’aurai orné, moi seule. Ville des Dieux, Cité Divine -Théople aux syllabes légères et empesées claquant comme une aile dans le soleil ou constellation levée parmi les étoiles – Tino, Vera, Lavrontis – je crains de te sembler stupide ou frivole. Ton jugement m’importe plus que tu ne penses. Pour me regarder, sur qui puis-je me compter sinon sur toi ? Ces noms privés qu’ils sont de tout ce que j’ai pu rêver sur eux, privés de toute gloire et de toute aura, aussi mesquins et arbitraires qu’un drame ou un roman – moi seule rassemble les facettes qui les unissent – eux, les ignorent.

    Tous ceux que je n’attendais pas ici, qu’une obscure volonté espérait à ma place, happés par moi, façonnés – mon monde à moi reste irréductible aux coulisses où les voudraient borner les malfaisants – mais comme les dieux en perpétuelle expansion. Théople, non plus  la plage aux starlettes mais lieu prédestiné de ma rencontre avec moi-même, dont la place géographique importe peu – dont les chorégraphies dessinent les preuves les plus évidentes de l’existence de THÉOPLE.

    X

    X X

     

    VERA. Surgie des brumes et du soleil. À mi-hauteur des terrasses dallées d’où les buildings tendaient leurs nuques trempées dans l’or et les bancs de pourpre. Et moi, fascinée toute droite sur l’escalier de fer dévalant vers le portail ouvert en fer forgé et au-delà sur la pente jusqu’aux premiers flocons débordés de la mer où tout sombre – il remonte de tout cela lancinant le bruit vivant d’un moteur qui cherche et passe le dernier virage devant nous

    VÉRA

    HONDA 750

    sortie des eaux Reptile de proie Bras crucifiés sur le guidon dans le soleil Ailes translucides combinaison claquante déployée en membrane de varan. Dans son sillage les brumes fendues J’ai poussé un grand cri

    Centaure aux cuisses d’argent déchirant le puits du dernier soleil dormant au fond de son cylindres

    dans les hauts vitraux sertis de fleurs de fer tremblent la coupe de verre et d’or – grand lustre suranné tintinnabulant dans l’essence et les coups de machine. Véra pousse le monstre renâclant sous l’escalier dont la bête contourne le pied puis se cabre et me flaire. À l’étage les portes battent en cercle au-dessus de ma tête – on se penche on m’enlève on salue de la main.

    Nous plongeons dans le soleil couchant.

    J’ai croisé mes mains autour de sa taille.

    Je sens sur mes paumes le contact du cuir synthétique. Premiers réverbères sur l’avenue. « Tu viens d’arriver ? » demande-t-elle.

    Halpérus je t’en prie essaie de comprendre. Il y a dans ma lettre bien des grandiloquences. J’ai même été tentée de tourner tout cela au burlesque. Je t’en laisse le soin. Véra, je la connaissais déjà. C’était toutes ces silhouettes furtives pourtant si lourdes , regard, taille et souplesse croisées sur les trottoirs et dans les trains.

    ...Tous les soirs depuis mon arrivée je sortais dans les rues de Théople. Jusque tard dans la nuit je me suis promené sous l’iris safran des réverbères à iode, le double ruissellement du Front de  Mer en feu, juste au-dessus des vagues cachées dans l’ombre. Ou bien, après une longue avenue où les voitures en veilleuse tatouaient les murailles de lueurs mortuaires – je prenais par la rue Jan-Mayen où les travelos me frôlaient en chuchotant des mots que je ne comprenais pas.

    J’avais déjà rencontré Véra, par petites touches, dans ces quartiers-là. En moi aussi au gré des épisodes noyés, un angle du bras, un rictus dans la voix – ne va pas croire qu’ils surgissent de pied en cap, le petit rouleau d’aventures à la main – quelquefois ce visage sns yeux, cette chaleur indéfinissable. J’ignore si ces êtres existent sur une autre terre, si j’ai vécu leurs vies ou si je dois les vivre. Pour Véra, tout est allé remarquablement vite – prise à la bola, comme un cheval de pampa. Je me suis vue en croupe, dévalant vers les Quartiers Francs : douze rues coupées à angles droits, baignées d’un jaune chloreux. Froide Subhurre. De jour, respectabilité. Murs dallés de faux marbre. Enseignes flétries près des rideaux baissés. La circulation intense et stupide n’a pour but que de traverser, de violer ce lieu. Mais à dix-huit heures trente, au plus fort de l’assaut, les flics de la Spéciale s’élancent au milieu des rues, jeunes, vêtus de blanc à la façon des infirmiers ; de leurs képis s’échappent d’interminables mèches que certains se tressent. Ils s’établissent dans les carrefours. Il faut les voir disposer, en tournant sur eux-mêmes – arabesque – leurs plates-formes circulaires, les entendre rire très fort en s’interpellant d’un croisement l’autre, dans une langue ni hongroise, ni serbe ni roumaine.

    Puis ils disparaissent, roulant leurs socles à l’intérieur du Quartier Franc. Ils quittent rapidement leur uniforme car je ne les revois plus. Que je te dise le nom des rues : Jan-Mayen, que u connais déjà, Virben, Thermopolis – à mon excitation tu vas penser que j’en suis devenue assidue, tu as raison de le penser, lourd Halpérus, Connais cependant ma fierté, car je ne me prostitue pas. À présent, accroche-toi dans tes pantoufles : rue Baudoyer, des Aurochs, Tangue-Lune, Sabatier, Califat : il existe un quartier derrière le précédent, qui n’est qu’une couverture. Plus vert, plus sulfureux. Petites rues en entrailles, croulantes, malodorantes, où je joue des coudes, où je me cogne aux murs, décors de studios où les sous-cinéastes s’imaginent reconstituer Montmartre.

    Maquereaux clope au bec talon levé au mur comme autant de grues, têtes verdâtres qui s’étreignent vénalement dans le vert des réverbères – il n’est pas rare en vérité de heurter en

    équilibre sur les hautes bornes les couples en action – exhibitionnisme ici dépourvu de toute vulgarité, outrance calme avec dans les yeux ces connivences et l’esprit persistant il semble que l’on parcoure les allées de carton parcourues de figurants désœuvrés prenant la pose en attendant le premier coup de manivelle. Ici croupissent cependant les menaces sourdes des crimes bon enfant, de ceux qui jusque dans les année 30 alimentaient complaintes et goualantes.