HIPPPOPOTAME ET poussière
COLLIGNON DIVERS DESCRIPTIONS CE QUE JE VOIS
HIPPOPOTAME ET POUSSIÈRE
OUAH PUTAIN CONG PAS D'IMAGE
Il est perché dans la poussière, jeune, égaré, la tête énorme et pourtant résolue. C'est un hippopotame en cire dure, gris comme il se doit, je ne l'ai pas épousseté depuis des lustres, il me regarde de ces yeux bornés qu'ils ont tous lorsque rien ne vient le déranger. Son visage est rectangulaire, au chanfrein démesurément large, avec deux trous pour les naseaux sur le renflement du mufle, deux seins inversés par le creux de leurs aréoles. Au sommet pointent les oreilles, rejointes par un occiput en forme de joug allongé. le tout trapu comme il se doit. La lumière se marque également au-dessus des narines, et à l'heure qu'il est, le soleil étale sur le gras de la poussière un chemin d'échine ample et large, prolongeant le gros cou par un angle fuyant de 15 à 20°.
Le flanc gauche seul visible s'arrondit dans l'ombre, sans autres plis que la hanche, à peine, et le garrot, juste indiqués et convergeant sans se toucher vers le bas. Quatre pattes courtes plantées en symétries marquent un territoire étroit, indisputé, sur le carré noir d'un amplificateur. L'ensemble de l'animal est insignifiant, compact, banal, tout petit et passif. Voir de l'âme là-dedans serait spéculation. Cela ferait 8cm, sur 4 de haut. Le socle fut déjà décrit : 15 cm sur 20 peut-être, avec une haute façade d'un cm d'épaisseur, et plus noir. L'angle le plus éloigné se fait manger par la perspective de mon écran, clair et fonctionnel sans plus.
C'est un amplificateur, concentrant l'ouverture et la fermeture du son, les aiguës, les graves, et d'autres fonctions obscures aux profanes du tympans. Cinq boutons tournants ou cliquants (les plus petits aux deux bouts du rayon) en attestent. Mon petit-fils a tout réglé, avec mission de "ne plus toucher à rien". Pourtant certaines émissions que j'ai enregistrées "bousillent", par saturation. J'ai donc touché au bouton des graves, afin de reconnaître et comprendre ma voix trop peu éloignée du micro enregistreur. Pourquoi cet appareil si volumineux ? Je me souviens d'une mode, vers les années 86, où de vastes gaillards colorés trimballaient sur leur épaule de longs parpaings noirs et mélodieux, l'oreille collée à la membrane vibratile : c'était du rap, ou du reggae, à fort volume.
Parfois le matériel est dilaté, pour garantir une qualité, pour bien montrer qu'on n'a pas négligé, qu'on n'a pas pleuré comme on dit par ici, la matière. D'autres fois, la miniature sera privilégiée. Ce gros parallélépipède (mot qui me ravissait étant gosse) porte à son sommet, dans la poussière donc, ce minuscule hippopotame massif recouvert lui-même de cette gluanteur négligente et négligée, que je nettoierai aussitôt ce travail fini. Entre ses quatre pieds, l'animal recevrait la vibration de cette grande pierre plastique et nore, sorte de Kaâba des sons. Empressons-nous d'être absurde en signaant, sur tout le devant, ce pont de pantalon de marin, tendu sur un cercle, portant en majuscule à son sommet la mention THRUSTMASTER, "maître de confiance", maître en fidélité acoustique ?
...Mon anglais m'a trahi ; confusion avec to trust. Il s'agit d'un "pousseur" de son, d'un "booster", pour demeurer sur le sol anglais. "Pousser", "introduire", "fourrer" : le baiseur d'oreilles. Le défonceur de paroi. Ah bon. Avec, sous le rang de boutons, un mignon marque-page avec la tête d'un panda, grosse peluche aux yeux pochés, sur fond vert. L'hippopotameau n'a pas bougé. Il attend le coup de lingette. Il sera remplacé, car j'en ai d'autres, une petite collection, pour laquelle nous nous montrons difficiles. Je ne me souviens plus du jour de son achat. "Son oeil noir me regarde", il n'a rien d'amoureux, juste une ébauche de conscience, dans une masse impénétrable,compacte, neutre, inexpressive, hébétée.