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  • Jacob

    Jacob est un prénom biblique. Tous ceux qui le portent ne sont pas nécessairement juifs. Il y avait un élève appelé Jacob, à Meulan. Le professeur d'allemand lui demandait sans cesse d'aller chercher l'échelle, afin de déployer l'écran des diapositives ou des petits films. Ce garçon au nez droit s'exécutait toujours avec docilité, s'amusant que ce fût toujours lui que l'on chargeait de cette corvée. Pas une fois il ne se douta de l'allusion pourtant claire aux familiers de la Bible, ou même simplement du catéchisme. Peut-être depuis a-t-il étudié la Torah. Notre collègue d'allemand se montrait méprisant pour ses élèves. Une fois, il se vanta de leur avoir fait goûter diverses marques de pâtés pour chiens, afin de leur apprendre les comparatifs : besser, schlechter.

    "Et ils l'ont fait, ces cons", disait-il. D'autres anecdotes à son sujet se trouvent dispersées dans mes Œuvres Complètes, que je pourvois de majuscules. Je n'ai pas connu le poète Max Jacob. Il est mort dans les camps. Il répétait volontiers : "Le pain azyme, boum boum". Les juifs m'attirent, mais je ne pourrai jamais le devenir, pas plus que breton : je suis lorrain, ce qui n'est pas incompatible avec la judéité. Il me semble que Metz comprend une importante communaut juive. La place d'armes est belle, mais le reste ne m'a pas semblé digne d'intérêt. Cependant mon grand-père Eugène parlait de sa cathédrale avec respect. Toute ma famille, de père et de mère, se rapporte à cet intervalle entre Metz et Verdun, ou Bar-le-Duc.

    Ma mère est née à Vavincourt, que son père à elle surnommait "vagin court". Ma mère n'apprit qu'à 50 ans, de ma bouche, l'existence du mot "vulve", qu'elle avait sans cesse appelé "vagin", selon une confusion faussement pudique généralement répandue dans le peuple. Il y avit une drôle d'odeur dans la salle de bain lorsque j'y succédais à ma mère. J'ai retrouvé cette odeur auprès de certaines chattes. Faut-il conclure que ma mère s'onanisait dans la salle de bain ? "Je me débrouille toute seule", disait-elle. Il m'a fallu du temps pour comprendre, là aussi. Elle demanda un jour à Mme Gautier, qu'elle voyait pour la première fois, si elle "avalait". "Non", répondit cette brave mère de famille.

    L'hippopotame vert.JPG

    Elles ne s'étaient jamais vues. Curieux premier contact. De même n'eut-elle aucune difficulté à recueillir de la bouche encore d'une jeune fille assez grosse, ma voisine, que mieux valait se satisfaire toute seule que de baiser avec n'importe quel braquemart de passage qui salope le boulot. Ainsi se confirmait ma crainte et ma connaissance de l'universalité des branlettes chez les filles, les femmes... Il m'a fallu du temps, toute la vie, pour considérer cela comme normal et naturel, et non pas spécialement destiné à me frustrer, à m'agresser, moi et tous les hommes qui pleurnichent et se trouvent bien à plaindre. En effet, nous tuons, nous violons, arguant de notre abandon. En réalité, nous violons parce que nous avons peur. Nous craindrions les effets de l'inépuisable appétit des femmes, appétit d'amour, de perte en l'autre et de mort à deux. Nous naviguons ainsi sans scrupule entre les clichés les plus éculés de la planète, pour ne pas dire les plus enculés. Enculer : encore un mystère, mais à bon marché. Que ressent-on, homme, à se faire enculer ? D'abord un sentiment d'utilité. On donne quelque chose, et on comprend ce que l'on donne, et, moi du moins, je ne bandais pas.

    Mais ensuite, je voulais que le partenaire me témoignât de la reconnaissance. Je modulais des gémissements interrogatifs, que l'autre traduisait : "Gilbert, tu m'aimes ?" Non, il se déchargeait en moi, après m'avoir caressé le périnée à la façon d'une vulve. En effet il existe chez l'homme un grand espace entre l'anus et les bourses. Il reprenait mes modulations, mais sans me répondre. Je ne sais pas si j'aurais pu devenir amoureux de lui, sans doute pas. Mais il m'aurait plu qu'il le soit, lui, en m'enculant. Que cette mémoire me retombe sur la tête. Toute écriture libre se replie nécessairement sur elle-même.