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  • BHL Le diable en tête

    HARDT VANDEKEEN « LUMIERES, LUMIERES »

    BERNARD-HENRI LEVY « LE DIABLE EN TETE » 42 01 25 3

    On va dire « encore lui », encore BHL, on va dire « il fait sa pub », « il a ses séides» eh bien non, pas du tout, pas du tout, je n'ai nous n'avons pas touché un radis pas un shékel, et de plus, l'ouvrage dont nous parlons a paru en 1984, ce n'est pas uen nouveauté tant s'en faut, en ce temps-là il n'y avait pas la Bosnie, il n'y avait que l'Ethiopie, vous avez la mémoire courte bande de gangréneux, et le mur de Berlin semblait éternel. Ici pas de ce petit jeu littéraro-commercial « tu me vantes je te vends ». Si je vous parle d'un livre c'est parce qu'il m'a plu, ou débecqueté, ou indifféré, parce que je l'ai lu, simplement.

    Et celui-là, Le Diable en tête, fini à Sore le 9 janvier 1995 à onze heures trente (j'ai le tic de noter tout cela en fin de chaque volume à moi qui me passe dans les pattes) – celui-là continue à me hanter. C'est l'histoire d'un mec. C'est la mienne à quelques détails près. D'abord, mon père n'a pas été un collabo bon teint comme celui du héros. Mais fouillez bien dans vos mémoires, frères quinquagénaires. Ensuite, il n'a pas été fusillé, mais seulement condamné à mort et gracié. Puis, je n'ai pas vécu dans le luxe avec ma maman, qui ne s'est pas remariée avec un Rrrésistant. Le luxe, je l'ai eu dans l'imagination.

    Et puis encore, il lui arrive toutes sortes de choses, à ce garçon gâté, adulé par sa maman, exécré par son beau-père qui le traite de fils de Collabo – la gaffe – trop tard. Je sais qu'il est facile de fabriquer un personnage, dont j'ai oublié le nom, de lui faire endosser tout un poids de passé bien choisi mais pas si rare j'insiste, de lui donner du fric dans le roman et de lui faire faire toutes les conneries possibles et imaginables. C'est l'histoire d'un mec, d'un fils de facho qui devient gaucho, qui finit propalestinien, qui se mêle de terrorisme en Italie -mémoire courte, vous dis-je, mémoire courte ! - qui s'engage comme ouvrier chez Renault – ça, c'était peut-être avant, mais je ne suis pas chargé de vous raconter le livre dans l'ordre chronologique, et qui découvre, le pauvre, que le prolétariat n'est pas formé de saints austères attendant la Révolution en se prenant pour Robespierre mais se souciant fort de toucher sa paye et de regarder la télé.

    BHL fait le portrait de tous les cocus de la politique de gauche, d'extrême gauche, de Mao à Staline à Trotsky à Che Guevara tout y passe et trépasse, et tout est traîné dans la boue par l'auteur, tout est échec. Si l'on prend un déchet de la bourgeoisie rupine et qu'on le trimballe dans toutes les situations oùles circonstances et les faiblesses humaines, que dis-je les névroses et le cabotinage le plus odieux, permettent de détruire tous les idéaux, c'est trop facile, et ce n'est pas une preuve. Un tel héros que ce X., éternellement jeune, éternellement dupe de toutes les théories

     

     

     

     

     

     

     

    et idéologies visant à régénérer enfin l'humain et à lepurifier de sa pourriture originelle, ne peut être utilisé comme démonstration. Cependant, tout invraisemblable et récapitulatif, exhaustif même, que soit cet itinéraire, il n'en révèle pas moins en un résumé- un peu long, toutefois, un peu long : trop souvent un paragraphe eût suffi où BHL nous assène deux pages – mais en un résumé dis-je très caractéristique la théorie de son auteur, ailleurs illustrée dans un film : Les Aventures de la liberté. C'est fou ce que l'on a voulu libérer l'homme depuis la Révolution Française, dont Dieu ou Y. me garde de vouloir remettre en cause etc. etc. Mais du fouriérisme au socialisme au communisme au maoïsme à la fraction Armée Rouge à l'Intifadda et j'en passe (oui, je sais, je me livre à des amalgames à la noix, mais le dénominateur commun profond de tout cela est tout de même bien si je ne me trompe la justice universelle et la salvation de l'humanité où nous serons tous frères sauf les morts) - nous avons tous cru, jeunes et vieux, à l'un ou l'autre de ces mouvements, àl'une ou l'autre de ces mouvances pour être moins précis, quand on n'y ajoutait pas en plus une bonne louchée de chistianisme ou de freudisme. Or, l'humanité ne peut être sauvée. BHL, qu'on accuse sans cesse d'aveuglement et de girouettisme dès 1984, date de parution du Diable en tête, notait déjà cette faillite de l'homme devant ce qu'on pourrait appeler son péché originel qui est la dose indispensable de connerie avec laquelle nous avons été créés, dose irréductible et que j'illustre en ce moment même avec mes propos de vieux croûton soit. Et rien ne m'a fait plus de plaisir jubilatoire que ce jeu de massacre de toutes les idéologies quand elles débouchent, et j'insiste bien là-dessus, sur la violence, car il est bon d'avoir la foi, mais il est mieux d'avoir les foies quand les -ismes se transforment en manuels de poseurs de bombes ou de trafic de drogues. Les idéalismes sont pourris, ont été pourris de tout temps par les petits malins qui ne songent qu'au pouvoir, et la lutte pour les libertés n'est en haut lieu qu'une lutte de paravents – à grands coups de paravents sur la gueule, bing, bang – pour plus d'argent et plus d'esclavage. Alors que faire, docteur Lévy ? "Il ne nous reste plus que le courage d'être lâche", disait Philippe Noiret, perspective peu exaltante certes, mais pas plus que celle qui consiste à fomenter des attentats. Et puis si, perspective exaltante quand même, puisqu'elle nous laisse le vaste champ à des actions ponctuelles de grande envergure qui permet de se dévouer à toutes les causes nobles et ponctuelles qu'on voudra pour restaurer la dignité humaine, à condition de ne jamais généraliser. Apporter la télé dans les foyers de vieux, mais pas en Amazonie, par exemple, et l'exemple se discute ô combien ! Mais ces leçons de morale nous font chier, ô commentateur

     

    usurpateur. Si tu nous faisais lire le texte ? En voici en voilà, pour que tu juges, indocile auditeur, de la valeur d'un style, car tout ceci est aussi de la littérature. Nous commençons par la page 47 de chez Grasset, puis nous poursuivrons par les multiples de 47, car toutes les méthodes se valent. P. 47 :

    "Impossible, bien entendu, d'avoir un mot d'explication."

    Court extrait d'un "Journal de Mathilde", mère du héros. Le livre nabigue ainsi d'un point de vue à l'autre de la mère au fils au beau-père au manipulateur. C'est du grand art. Mathilde est une petite cruche mariée à un collabo. Ça fait mal de le découvrir. P. 94 :

    "On devine l'effet sur la salle... La température qui remonte d'un seul coup. Les jurés qui "sortent de leur torpeur. "

    Eh oui ! Le collabo se fait juger, un témoin juif rescapé vient dire que c'est lui, là, dans le box, qui l'a fait déporter ! P. 141 :

    "Ça peut vous paraître bizarre et c'est peut-être bien, après tout, une autre de nos erreurs. "Mais le fait est, c'est vrai, qu'on n'y est plus du tout revenu et que s'est noué entre lui et nous une "sorte de contrat tacite aux termes duquel le sujet était comme forclos. Pourquoi ?"

    Chez moi non plus, braves gens, je ne savais jamais pourquoi mes parents se disputaient. Ma mère parlait de "tes conneries pendant la guerre", mais lesquelles ? P. 188 :

    "Yvonne enfin, une très vieille amie de Mathilde, celle-là, qu'il était allé chercher, "traquer, circonvenir comme un furieux et dont il n'a réussi qu'à briser le cœur et le ménage."

    Car il faut que vous sachiez, Mesdames, que tout héros de roman se doit de tomber les femmes, surtout ici les vieilles rombières, complexe d'Œdipe oblige. Y aurait-il imitation de Sollers? Perfidie... P. 235 :

    "Que te disais-je, ma chère Constance ? Je n'ai emménagé que depuis trois jours – et tu ne peux pas savoir combien je me sens bien déjà, à mon aise, à ma place. Pense donc !"

    Il s'agit ici du journal – encore un – de la petite Alsacienne provinciale donc sur laquelle notre héros va se jeter dans sa soif de pureté... meurtrière. Elle parle comme une lectrice de Bonnes Soirées. C'est exprès, rassurez-vous bonnes gens. "Le 14 mars" dit-elle p. 282. On ne sait de quelle année. Les roaring sixties, wahrscheinlich. "Le 27 juin", p. 329. P. 376 :

    "Autant les deux premières étaient stylées, cossues, presque bourgeoises, et tout àç ait "inattendues en tout cas, dans un camp de réfugiés, autant celle-ci est vieille et lépreuse à souhait. Elle a quatre étages, en principe. Mais l'un a été pulvérisé par les bombes."

     

     

    Car notre héros se retrouve chef de faction à Beyrouth. Il faut qu'il passe partout, partout où se joue le sort de la liberté, pour être véritablement exemplaire. C'est un peu long. Mais ce siècle a trouvé long aussi, et continue de trouver long, ces actualités sanglantes qui ne changent pas de puis des décennies. Cette Liberté pour tous qui n'en finit pas d'accoucher, et d'accoucher des monstres. "Est-ce que ça va durer longtemps comme ça, me dis-je ?" - ainsi s'exprime celui qui veille sur notre héros, et qui peut-être le manipule au nom d'intérêts supérieurs et obscurs. Alors l'auteur termine par un grand dégoût de soi-même, un beau mouvement de résipiscence, de retour à soi-même dans le repentir, juste avant suicide, suicide d'un temps tout entier.

    Le héros n'a plus pour se raccrocher que des pans d'enfance et d'adolescence. C'est du Camus, moins Camus. C'est vache ce que je dis là. Mais lisez quand même Le Diable en tête, de Bernard-Henri Lévy. P. 473:

    "C'était le temps où les mannequins s'appelaient toutes Bettina, cherchaient des maris "américains, avaient le même indéfinissable accent aux sonorités vaguement anglo-saxonnes et "commençaient d'inventer cette singulière démarche, mi-vive mi-paresseuse, pleine de morgue en "même temps que de sensualité, dont elles ne se sont, depuis, plus départies."

    Quelque part entre Cartano et Aragon. Vache...

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