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Cette nuit-là

 

C O L L I G N O N

C E T T E N U I T – L À

 

" Je vis seul

" Je dors seul

" Je meurs seulement

 

"Rhacophore petite grenouille arboricole aux palmures postérieures très développées pouvant servir de parachute au cours de sauts effectués dans les arbres des forêts tropicales du Sud-Est asiatique (...) Nom usuel: "grenouille volante" (Larousse universel, t. XIII)". Chaque soir le garde m'ouvre les portes de la serre ; je trouve là, sur 30m de haut, de quoi satisfaire ma curiosité. À mes pieds les racines de palétuviers baignent dans un marécage en réduction où plongent les reflets sombres sur des profondeurs égales. Mes jumelles d'intérieur jouent sur les verticales, remontent vers les cimes où se distinguent les racophores sautant de branche en branche, atteignant même les eaux mortes à mes pieds : j'apprivoise ou du moins nourris mes petits ranidés de divers insectes tirés d'un petit coffret de santal cylindrique.

Le garde est natif de Malaisie, naturalisé – nous entendons par là "français". Distant et sec dans l'exercice de ses fonctions. Ma mère à moi provient de Battambang, près de Kok Ampil,au nord du pays khmer. On a dans ces contrées abondamment usé de cruauté, dans des grottes où se tinrent des massacres. Bien que je sois également né dans cette ville, je n'y retournerai plus. Perspective unique à cette heure nocturne, la haute verrière du Jardin des Plantes, accessible par pur privilège dans l'obscurité, après fermeture. Il en coûte bien des soins, et bien de l'argent, d'entretenir ces massifs arborés, dont les cimes se pressent aux membrures sommitales de la grande serre.

Je prends quelques clichés (800 ASA, grand angle) de ces merveilles batraciennes planantes, indiscernables à l'œil profane. Les lianes s'encordent sur les troncs moites. Il me vient l'image d'un corps aux membres soudés sous le feu des cauchemars. Cette nuit où je m'engage m'ouvrira le plus définitif des tunnels, jamais je ne replacerai mes pas dans mes empreintes ; juste avant de perdre connaissance brasenbae preah chong si Dieu veut, je

verrai sous mes paupières voleter les phosphènes étincelants de mes Créatures ; il ne me reste plus qu'à reposer en paix. Dans mon dos le Malais referme les panneaux de verre.

Je n'ai pu obtenir que la clef des grilles extérieures ; je marche au jugé dans ma nuit. Au 25 rue Buffon j'occupe au premier étage un appartement aryanisé dont l'occupant disparut à Kœnigsberg en 45. Avant d'y parvenir je dois effectuer quatorze fermetures de ma main, alternant à bout d'avant-bras les clés du pesant trousseau ; certaines actionnent jusqu'à trois serrures. Il m'en faut quatre personnelles pour ma porte, que le proprio juif a fait blinder avant sa mort. L'épreuve de la nuit constitue à proprement parler la véritable vie. Chez moi les vasistas haut placés, bridés à la façon des Génies courroucés sur les stoupas; étirés, menaçants.

Monté en chaussettes glissantes sur le bureau verni, je passe à l'étroit mon bras tout entier dans le noir extérieur, tremblant qu'une main ne m'agrippe. De là je saisis et déplie sans les voir les volets de plastique, assujettis très vite du dedans l'espagnolette.

La longévité moyenne des ranidés n'excède pas quatre ans.

Je n'aurai pas plus qu'eux accès à la vieillesse. Les trois premières lettres forment le mot "vie" – vetus/ vita : sans parenté. Poursuivant ma seconde mission de clôture, j'accède aux portes-fenêtres en balcon d'angle,où tentent de pousser 25 petites cactées en autant de petits pots, séparées de la rue par des vantaux. Quand j'ai bien tout fermé me voici à l'abri des monte-en-l'air et aures vandales. Ma mère a pu rapatrier du Kampoutchéa l'argent, les bijoux "volés au peuple". Quand elle mourut, voici dix-neuf ans, 1 mois et 9 jours) elle recommanda de ne rien investir en fermetures automatiques en dépit des publicités (bulletin météo d'Euronews).

grenouille,érotisme,femmesJe suspens mon trousseau personnel à côté du compteur. Je pense aux femmes croisées dans la rue tout le jour, que j'aurais tant voulu connaître à l'instant du plaisir ; ce sont leurs mains qui s'attardent à présent sur les clôtures de leurs logis, avant que leurs yeux ne se ferment à leur tour. L'instant du coucher reste celui du plus grand courage. C'est après m'être vu au miroir, la tête entre les lampes face à moi, qu'interviennent sur mes traits les convulsions de ma virilité : demain je serai ferme. Un homme – ferme, femme, à une lettre près. Cela ne peut manquer. Dormons et reprenons des forces. Sur l'Atlas blanc Bordas, "Index des noms", j'avance de trois villes par jour, en ordre alphabétique, dans telle pays, telle contrée où jamais nulle étincelle batracienne (l'ai-je oublié) n'aurait la moindre chance de survie. Si loin de tout tropique, entre Munich et Ingolstadt, in der Hallertau – double rangée de façades blanches dans le brouillard avec frontons, larmiers, doubles vitrages.

Et par beau temps le lendemain des cultivateurs à lunettes qui partent au labour en costume de confection.

Je ne pense pas que mon sommeil affole les foules : à peine sous les draps et dans le noir, je m'adonne avec ferveur à la catholique habitude de l'Examen de conscience. Qu'ai-je fait de ce dernier jour qui me fut confié, de ma vie qui n'a plus lieu d'être. Si j'ai suffisamment souffert et bien rendu. Défilé dans mes yeux fermés des mines défaites et des habits des hommes ou de leurs rictus, éclats de voix, de rire etc. - écriture et méditation malgré le sommeil toujours en embuscade, envois de messages - moins par téléphone toutefois, où se dépense en pure perte un trésor de chaleur, plutôt par lettres, aux réponses tardives et décevantes.

Bénie soit la toile, qui sans profondeurs ni brouilles ni mort d'homme parvient à parler sans fard. Sur la toile envoyer paître tel ou tel, peu importe le tort ou la raison, les échecs viennent tous de l'autre et la sottise est réciproque. Préférence encore pour ces jours de solitude ou de compagnies légères (vendeur de journaux, cafetier qui me pose la tasse sous le nez sans un mot, manques d'égards où couve la haine, c'est la vie, je ferme les yeux. Heureux les hommes qui referment leurs tiroirs avant la nuit comme des portes ou des volets.

Je fus soupçonné du meurtre d'un vieillard locataire au fond du jardin, c'était à s'y méprendre un Gartenzwerg bien glabre et cabossé, voûté, le nez pendant et le pantalon flasque. Je l'aurais tué disait-on pour retrouver mon carré d'herbe et de plantes si rares à Paris, au fond d'un puits de murs où le soleil vient peu. J'aurais dû signaler ses grommellements, ses loyers en retard, ses incessantes allées et venues (alors je l'ai tué) – "Monsieur Truong Phan Van" ont dit les journaux "n'a rien laissé paraître" il me gâchait le paysage, de sa cambuse je ferai un pavillon d'été – le vieux a disparu. Famille introuvable (deux nièces à Lyon, qui l'ont peut-être interné au Vinatier – certains vieillards s'enfuient vers leur "âtre" comme ils disent, glacial mais où ils ont vécu trente ans.

Je me soupçonne fortement d'avoir tué ce vieux. Je ne peux rassembler ce qu'il faut d'argent pour réhabiliter son bouge, sa bauge, à mon seul profit. Peut-être qu'il n'est pas bien mort. Ce souci me taraude avant mon sommeil, puis viennent les grenouilles rhacophores, qui veille ? qui dort ? qui vit qui meurt et toutes ces choses. Puis les grenouilles s'évanouissent en pleine mangrove. Épreuve ultime : dans le lit, affronter ma mort – que philosopher, c'est apprendre à mourir à bon marché (ou à vivre ? jamais de la vie) - j'ai ouï dire qu'il existait "une forme de bouddhisme" qui laissait subsister les passions tout en s'en détachant – à vérifier – consulter Sénèque, Nazianze (Grégoire, dit le Théologien) "Sois à la fois l'athlète et le spectateur" ou mon prochain.

Mon lit de mort est le centre du monde – quoy ! N'ay-je faict suffisant exercice ? - avec mon jeu de réussites "Les Dames de la France". J'explique : si la carte que je dis à haute voix coïncide avec celle que je tire (la carte), c'est que je mourrai demain. Roy de Pique ! - l'As est sorti, je survis d'un jour et rebats trois fois. Le record est à fin avril, et quand enfin je meurs coïncidence Bouche et Main je pousse un grand cri et mon cœur bat plus fort, la roulette russe n'est pas mal mais c'est très, très dangereux. La fusion finale au sol àl'herbe ne m'effraie pas car je suis très, très loin de l'échéance (l'imminence) on dit que Charles-Quint lui-même chanta les répons du fond de son cercueil : répétition générale Monastère Cuacos de Yuste 1557.

Vitalie Cuif, épouse Rimbaud, se fait descendre ("la mère Rimbe") dans sa bière sur deux cordes au fond de la fosse "pour voir". J'ai de plus en plus peur j'expire lentement ente mes lèvres question : Suis-je le seul sommes-nous seuls à souhaiter tout au fond de soi l'exact ajustement de l'instant conscient et de l'éternel, seconde après seconde - autre chose, tout de même ! que la quête du bonheur pursuit of happiness – je refuse : yoga, zen, bouddhisme, sénéchaussée (doctrine de Sénèque) – non : c'est à moi seul, à moi seul de créer, seul membre du club, seul dépositaire de la fausse vérité. L'entrée précise dans le sommeil mesure à elle seule à quoi sert ou ne sert pas de vivre qui perd l'heure perd le jour qui perd le jour perd le mois, l'année, la vie – "Las voyez comme en peu d'espace" on passe de l'enfance à la plus blette maturité.

La mise au lit en bière est le seul instant qu'il faut retarder, puis de justifier, puis d'accomplir. Mon lit depuis que je dors seul présente l'ancien baldaquin aux piliers tordus comme un Bernin, le ciel hélas privé de couronnement ou de tissu plissé (le fameux "ciel-de-lie" en pout-de-soie épaisse et mate, avec embrasses retroussées sur les courtines ; autour de la couche court un large rebord de chêne communément nommé "châlit". Le chat prend position là pour la nuit, à tendre le bras seulement je le touche. Parfois la nuit je l'entends lourdement descendre sur le parquet ou légèrement se repercher. Il me veille. Bashtet est "la déesse chat, "aspect serein de la lionne guerrière".

Il veille le seul humain lumières closes. Alors je pense à tout. Parfois se lève en moi la Vague de Persécution, et lorsquej'ai réglé, mais pas avant, leur compte aux opposants, je dis le mot "décontraction" – figurez-vous chaque partie de votre corps abandonnée comme un chiffon au point que toute chair se détache comme dans un chaudron d'eau, sentez le frisson chaud des muscles et du bouillonnement. Passer en revue les tissus musculaires même si leur dénomination reste incertaine, tout un pan de corps qui soudain se relâche ou bien ce dessus de la jambe nommé droit fémoral ou le flanc gauche ou droit; autour du genou j'imagine un rayonnement d'aiguillettes ou losanges sans existence anatomique - je n'ai plus lu Décontraction pour tous après p.35 ch.II car on voulait m'apprendre à ralentir ou à presser mes battements de cœur je n'ai qu'un cœur [sys- et diastole] - plutôt crever.

Répéter je dors d'un profond sommeil jusqu'à la clôture des yeux intérieurs et si cela ne vient pas vous vous serez toujours apaisé me dit le médecin - rien ne me fait plus peur que de vivre ou penser lihrement ; l'animal seul incarne et mérite la liberté – le chat le chien l'oiseau – ma folie n'est pas pour demain. Au cœur de la nuit je me lève et j'urine, échec. La nuit remonte à la plus haute adolescence. Jusqu'à treize ans le sommeil d'un enfant. Réactivation de la scène où la Mère me sermonne : à 4 ans passés resté sale, Maman commande à présent je cesse de pisser au lit, parce que ça fait de la peine à papa (je le vois de côté, feignant la plus profonde afflication) (« Tu feras celui qui a un gros chagrin ») (il ne me semble pas plus chagriné que ça). Du jour au lendemain mon abstinence est totale. Ce que père et mère ignorent, c’est qu’il n’est rien de tel que ce mensonge, largement divulgué dans les années 50, pour inhiber sans remède, pour bloquer tout désir d’action quelle qu’elle soit chez l’enfant et l’adulte. Il m’est encore et pour toujours impossible d’agir. Je prenais le jour pour la nuit (errance d’horloge interne) – la vie se prend, s’obtient pendant la nuit. Le jour n’apporte que des devoirs.

Des corvées. Pas de vie. De nuit l’esprit touche et goûte au déroulement éternel. De jour on court de remords en remords. Obtention Zéro.

Réveil de nuit. Pipi faible, envie faible, peur d’avoir envie. Juse avant je rêvais que je pissais. Surplombant le pot, le seau, la cuvette douteuse, je dis un prénom, un patronyme, deux dates – naissance et mort. Je ne tue pas le père je veux l’indépendance. J’ai lu ça dans un livre. 1885-1947 : 62 ans. Le jour, le mois : 28 mai pour la naissance, 3 décembre pour la mort. Si la date de mort dépasse le jour où je suis : mort retardée, mais mort quand même. C’est un homme, très rarement une femme. Autrefois je donnais à l’homme le prénom qui est le mien. Je ne me suis jamais débarrassé du monde à éliminer : « Je ne suis pas x. Je ne suis pas x. Mon prénom seul et son nom à lui. Mort le 3 décembre 1947.

NOM EST NON. MÈRE EST MER. PÈRE EST PERD.

 

Puis je retourne me coucher. À tâtons. J’enjambe le chat, étendu comme un sphinx sur le châlit. Je rabats mon drap. Passé 5 heures inutile impossible de dormir. Transposition d’ordre littéraire inconcevable. Les ours en hivernage eux aussi se relèvent. Comme eux je ne souille pas ma couche. Bern-hart : Fort comme un Ours. Forcé à chier. Veiller, agir : non pas chier mais se retenir de chier. Jouir dans l’efficacité, oser, c’est risquer de chier. Parler c’est chier ( risquons la métaphore) jouer sur scène, lire-écrire. Déféquer pour capter l’attention de la mère. Professer pour capter l’assistance, le blâme, l’attention. Les mères d’élèves. Les jeux de mots.

Reste à établir que toute communication souille ; c’est une épreuve alors qu’il est si simple de pisser. De nuit face au miroir placé là par le précédent propriétaire, anxieux de vérifier ses attributs virils…

 

X

 

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Ne pas emmerder son interlocuteur. Ne pas lâcher une de ces gaffes qui brouillent pour vingt ans. Biaiser. Sans cesse. Blaguer sur la corde raide au-dessus des lions. Tout ce qui forme groupe, assisance, classe, public ; salle des professeurs ; corps de garde, dîner de cons, cantiques sportifs – tous adorent le rire. Les fauves aiment rire et bâiller. L’individu reste douteux, périlleux, réfractaire. Il peut n’entendre point raillerie. Renvoyer par exemple ses propres railleries – le boomerang merdeux. Voire vous prendre pour un con – pire : un fou. La façon dont les femmes ricanent en s’inclinant sur leur voieine. À quoi sert le professeur ? qui peut le dire. Ils me regardent tous et se mettent à rire.

Face à l’abîme. Si mes disciples ont ri j’aurai atteint mon but.

Dans la mollesse, et malgré moi.

Mes écrits aussi seraient excrétions. Cahiers, simple feuilles entassées dans l’armoire et jusque sous les pieds de la bibliothèque – juste un châtiment ? Tu blâmes ceux qui se sont poussés par intrigue tandis que tu ne sais qu’écrire ?… l’alpiniste a besoin du dernier de ses crampons. Le sponsor, l’œil vissé sur ses comptes en banque, est aussi indispensable – que penserait-on d’un grimpeur en espadrilles ? Pour habiller de nuit ton impéritie, tu remets ta faute sur les autres ? qui n’ont rien compris ? qui ne t’auraient pas compris ? Tu comptes donc exciter leurs rires, comme à tout le reste ?

Quant à l’amour, tu vois bien : les tendresses en bouffées ne s’adressent qu’aux ombres. L’humanité - t’est réfractaire.

 

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Lire au lit (non plus) n’est pas un plaisir. Un professeur, un pape – sont forcés de lire. Mes titres de chevet sont ceux que j’ai décidé de lire. Accumulation du savoir avant d’affronter Dieu. J’affronte Dieu. Qui ne s’abaisse pas aux interrogations. Voici les titres.

1) Virginia Woolf, dont j’adorai naguère Orlando, prodigieuse conjuration de la gloâre à travers les siècles et les sexes. Appâté, j’ai décidé de dévorer ses plus gros ouvrages. Le volume entier n’est qu’un empilement de mises au point télescopiques sur les feuilles d’arbres, les escargots et autres friselis d’écume. On n’y tient pas, on suffoque. J’entends bien que c’est de l’excellente littérature, qu’il faut avoir lue, dont il faut s’informer et s’instruire.

Il en va de même du n°2), qui signe Elias Canetti : « Écrits autobiographiques », douze cents pages de papier Bible, Nobel 81 : autre apnée, tyrannique, masculine cette fois. Rien n’est épargné au lecteur : pas un filet d’air – chaque personnage décrit jusqu’aux poils de barbe, jusqu’à la longueur de langue appliquée sur les doigts dans le livre pour tourner les pages, pas une description qui ne soit scrutée, pas une circonstance qui ne soit décortiquée, fibre à fibre, jusqu’aux lambeaux les plus insupportables. De quoi que l’on parle, de qui que l’on disserte, romans, grands hommes, forcément célèbres, nécessairement les plus passionnants, les plus palpitants, toujours l’oppressant, l’indécollable Canetti leur a consacré son attention la plus scrupuleuse, la plus admirative, la plus exclusive, au point de demeurer des heures, plusieurs jours du mois jusqu’à la fin du mois, devant telle peinture, tel infirme, telle demeure, invariablement les plus captivants, les plus éblouissants du monde. On se sent con devant l’immense Canetti. Devant ces intarissables marais explicitatifs témoignant, n’est-ce pas, d’un tel appétit de vivre et des Aûûûûtres.

Nous autres : « Il s’assit ». Canetti : « Comme il était encore debout, il prit place sur la chaise qui se trouvait devant lui, afin de se soulager de la verticalité de sa station précédente ». Assurément Stefan Zweig, Henry James et Schnitzler eux-mêmes passeraient auprès de lui pour des parangons de sobriété.

3) Lucrèce (Titus Lucretius) « De Natura rerum » n’arrange rien, à deux pages tous les quatre jours (une en français, une en latin) pour ne pas mourir d’ennui, d’exaspération. Lucrèce ou les joies de la version latine. Pour mon

4e) auteur de chevet, il doit en tout cas être vivant, « non-mort », no-sferatu. Plus frais, plus vif que les autres. Souvent aussi de style « navet froid », quand la « petite édition » me l’envoie au titre d’envoi de presse, gratis pro Deo. C’est ainsi que j’alterne Lucrèce, Elias, Virginia et Paroles d’étoiles, témoignage collectif d’enfants juifs cachés pendant la guerre : ravaudage extrêmement réconfortant, rhapsodie dantesque et très rigolote de récits défraîchis, rancis, par des contemporains vivants, immédiats, vieux et présents pour le coup, à jamais.

Le comique provient aussi d’une toute autre liste qui m’attend le lendemain, pour la vie diurne, à boire jusqu’aux dernières gouttes en vertu du principe éminemment discutable que « toute page écrite le fut par un être de chair et de sang ayant voulu te toucher, t’atteindre à travers les siècles et la mort », et que nulle miette n’en doit tomber.

 

 

 

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