Proullaud296

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  • Description laborieuse de la Bave

     

    005.JPGComment regarder cette photo ? À l'endroit ou à l'envers ? Tant je suis attiré par le thème du reflet. Reflet dans l'eau, ici, de la Bave, à St-Céré, lieu de naissance du populiste Poujade. Mais aussi de Lagarouste, inventeur du levier à rocher ; le précédent n'est pas mentionné : sans doute en eut-on de la honte. Ce cliché fut réalisé pendant un séjour de ma femme au lit. Nous avions vu le défilé d'une noce en voiture années 30, avec maintes casseroles et gamelles accrochées au cul. Ce lieu fut aussi celui de mon accueil en salle de cybercafé, où l'o,n, vint à ma rencontre en raison de ma tenue fort peu orthodoxe, mais je venais internetter, non casser. Dans la rue, je fonçai en droite ligne et les yeux fixes sur deux autochtones qui s'écartèrent en devisant, par prudence.

     

    Le pont d'une arche est repris dans l'eau. Il forme un arc-de-cercle aboutissant (je le sais) non pas à une rue mais à une porte qu'il me plaît d'imaginer désaffecter : du pur Venise. Le reflet montre deux poutres minérales parallèles : entre lesquelles apparaît cependant la Bave, curieux cours d'eau qui ne mérite pas son nom. Comment cela se fait-il ? Ce pont serait-il sans tablier, devenu impraticable ? J'y vois le fond d'une barque, avec ses planches parallèles, enserrant le reflet vague de constructions lointaines, et un moignon de clocheton dans l'eau. A l'air libre en effet, et au-dessus de ce reflet, une longue abbaye d'ardoises, un toit rond religieux plus un clocheton très Centre-France.

     

    Trois toits de tuiles, l'un en longueur, l'autre en largeur, le dernier en hauteur. Partout de la construction, à l'ancienne : un autre corps de bâtiment, plus proche, sur la rive gauche, balafré d'une ombre claire, ponctuée de volets blancs, ouverts, entr'ouverts "en tuile", fermés au rez-de-chaussée. Les deux rebords d'un parapet pare-crues, d'inévitables interdictions de tourner à droite ou à gauche, un tas de sable de travaux. Plus bas sur la berge raide, des jaillissements de rameaux revêches, vert bouteille, et le reflet à l'ombre cette fois de ces masses et constructions, formant l'oblique d'un point de fuite. Le pont donc aux deux tiers de hauteur comme il se doit, les constructions que l'illusion de perspective place sur lui, et enfin, à égalité de la longueur (mais l'eau semble repousser le tout vers la droite), une oblique assez nette à 80° : un toit, un balcon saillant sur l'eau avec ses croisillons de bois à l'air libre, une petite ogive, un étai à 45° style "descente en rappel", et jusqu'à nous la coulée verte, au soleil, qui s'élargit en base de triangle.

     

    C'est la rive droite, où derrière le parapet s'alignent mal dissimulés nos hudeux mufles d'automobiles qui foutraient tout en l'air question ambiance, avec leurs tôles de sauvages. Le pire est qu'elles font pendant, pour la masse, aux maisons balafrées de la rive gauche, de même que l'ombre végétale de la même rive renvoie aux constructions claires, à poutres incluses, d'un vaste et lourd ensemble dont le cadrage nous dérobe le toit. Ce qui donne, de part et d'autre du pont et de son reflet : rive gauche, masse oblique des constructions, sur la berge assombrie ; rive droite, en haut la construction magistrale et très claire, en bas, l'ensemble compact, de haut en bas, d'une haie noire, des trois capots hideux et adoucis, de la végétation cette fois éclaircie, au soleil. A présent, errons un peu. Le grand côté d'immeuble, à droite, se fait grimper par du lierre. Il cache et bloque un premier volet fermé. Il enserre et menace ou protège un second couple de volets également fermé.

     

    Plus loin sur la droite, vers le rebord de l'illustration, mon œil inhabile ne saurait dire s'il y a rebond, pliure, ou poursuite de surface plane : je vois encore deux volets, l'un au-dessus de l'autre, aux battants fermés. Un petit rectangle très pur. Un dépouillement contrastant. Le pan de mur bouffé au lierre présente deux niveaux, séparés par une poutre incluse brun foncé, soutachée en parallèle d'une autre poutre plus mince. Le lierre ébauche ici la forme d'un ours vert, dont la tête aveugle et le mufle surgit au-dessus d'un vaste demi-torse, flanqué de pattes avant monstrueuses, levées pour assaillir. Geste protecteur, défensif, ou pour le moins affirmatif. Et l'angle droit, invraisemblable anatomiquement parlant, enserre un de ces volets aux battants clos déjà mentionnés.

     

    Les feuillages de la patte plus proche de l'eau s'effilochent au-dessus de la double poutre de soutènement, plus haute, prête à frapper ou à se fondre. La poutre est la double base d'un triangle équilatéral, se complétant hors de notre vue. Il est rayé de sept poutrelles verticales, avec deux volets clos, entre la deux et la trois, entre la cinq et la six. Un troisième, tout proche e ce rectangle pur déjà décrit, s'entrouvre, on voit son ombre sur le mur. Il est à supposer qu'on a voulu partout, à St-Céré, se protéger des rayons d'une canicule à venir, et nous serions au matin, lorsque l'ombre subsiste encore. Ou bien le soir, si le soleil provient d'au fond à gauche, en direction de l'ouest. Tout est calme.