Proullaud296

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  • Et je m'en vais, Plotin, plotan...

     

     

    Plotin est , à proprement parler, intolérable. Rigoureusement incompréhensible. Il s'obsède, par exemple, sur des histoires d'unités et de multiplicités, confondant l'idée de dieu avec l'idée de Un, du Grand Un, ce qui est louable dans son souci de monothéisme, idée platonicienne, car Platon ne dit pas autrement que Ho Théos, Le Dieu. Or, voici notre Plotin qui se hâte, qui s'évertue, à reconstituer cette unité, à la remettre en question, de même que l'Unité divine, difficile à concevoir pour des âmes simples, s'est ensuite multipliée en une infinité de saints. Plotin imagine donc, par le raisonnement, et dans une ambition qui n'a rien à voir bien sûr avec une quelconque superstition ou accessibilité aux âmes simples, s'ingénie donc à s'embrouiller dans des subdivisions de subdivisions, entre ce qui relève de l'âme, de l'idée, de l'intelligible et de l'Intellect, ce qui relève de la théologie, mais explore en même temps les mécanismes mêmes de l'intelligence humaine : il est digne de louanges, car nous nous saurions nous contenter d'une contemplation qui ne serait qu'un truisme : A = A, Dieu est Dieu, Dieu est grand, fin de la réflexion.

     

    Mais notre faiblesse aboutit vite à la fatigue : Plotin, dans ses laborieuses contorsions, tente une distinction entre ce qui est un et ce qui, tout en restant un, se révèle multiple (comme le corps, l'univers, etj 'en passe : comment ce que nous voyons multiple pourrait-il procéder d'une unité, être même une unité ? « Comment donc voit-il, et que voit-il ? » - l'Intellect, je suppose. Réjouissons-nous toujours que Plotin, par exemple, ne possède pas les insupportables certitudes de Socrate, qui est à Platon ce que le bateleur est au grand cirque. Plotin en effet pose des questions, sans recourir à ces formules de politesse aigres-douces en foutage de gueule : « Et comment, tout compte fait, est-il venu à l'existence et comment est-il né de l'Un, pour être en mesure de voir ? » Car s'il n'y avait que l'Un, il n'y aurait ni création, ni homme pour considérer la création et les créatures.

     

    1. Il faut donc bien que l'Un, l'Être, se manifeste par l'existence ( grâce à Dieu, si j'ose dire, le philosophe ni le lecteur ne sont pas encore eunuqués par les notions ni les dogmes chrétiens). Le Grand Un se scinde donc en deux, dans un premier temps, pour se voir, pour prendre conscience : « Car maintenant l'Âme » (de l'homme ? prudence...) « comprend qu'il est nécessaire que ces choses existent, mais elle désire trouver la réponse au problème suivant, si rebattu chez les anciens penseurs : » (j'allais le dire) «comment de l'Un, s'il est tel que nous le disons, peut venir à l'existence une réalité quelconque, qu'il s'agisse d'une multiplicité, d'une dyade » (le Un et le Deux) ou d'un nombre ? » (...qui dépasse « deux »). Autrement dit, comment 

    2. Dieu a-t-il pu créer en dehors de lui-même, sans rupture ? La Cabbale parle du tsimtsoum, Dieu qui rentre le ventre pour créer en quelque sorte ; Wealshey, de l'expérience concrète sans laquelle la toute-puissance ne peut s'exercer. Reste à résoudre le problème subsidiaire suivant : savoir comment il a puexister un «avant » et un « après ». Le tsimtsoum ou « repli » de Dieu, repli de l'Un sur soi-même, pour laisser place à la Création, semble plus rationnel, même s'il est fantastique, tandis que l'expansion par l'expérience introduirait une imperfection originelle, disons une incomplétude. Face à l'hôtel.JPG

      1. Mais comme il est inconcevable que Dieu ait pu se sentir incomplet, puis décider de se compléter, il faut bien que la création et l'existence de Dieu soient apparues en même temps, si même la notion de temps convient ici. Quand je pense à mon catéchisme : « Pourquoi Dieu nous a-t-il créés ? » Réponse : « Pour que nous lui rendions grâce » - il avait donc bien besoin de cela, le pauvre ? « Pour s'éprouver lui-même » - il y aurait donc un Dieu, la Conscience de Dieu, la Crétation de Dieu, tout cela concomitant, à l'instar des Trois Piliers de la Kabbale, ou de la Trinité chrétienne.

      2. Ce qu'il faudrait d'abord, voyez-vous, comme pour les cours d'instruction civique, ce serait un tableau où figureraient les fonctions et attributions de chaque élément de ce Meccano théologique en souhaitant qu'il n'y ait ni chevauchements ni enclaves... « Comment se fait-il en effet que l'Un au contraire ne soit pas resté en lui-même et qu'une si grande multiplicité soit sortie de lui, cette multiplicité que l'on voit dans les choses qui sont et que nous avons raison, pensons-nous, de ramener à lui ? » Plotin reste donc à peu près clair. apparemment.

      3. Nous pencherions alors volontiers pour la Kabbale, qui parle d'un explosion où les fragments conservent une fraction d'étincelle aussi efficace, aussi énergique, aussi énergétique, que l'embrasement ontologique du Divin... J'ai tant haï Plotin en marge, multipliant les commentaires rageurs et ignorants ! Toujours est-il qu'après des considérationsdifficiles pour un profane sur les rapports entre l'Unité et le Divin, notre penseur s'attache à nous expliquer les mécanismes de l'astrologie et de la magie : tout est lié dans l'univers comme dans un organisme, et selon des règles logiques.

      4. Car le commun des mortels, après avoir contemplé le Grand Un et son Œuvre, se tourne volontiers vers les projets pratiques : ce Dieu doit bien servir, dans sa toute-puissance, à quelque chose : gagner du pogon, ou l'amour, ou – soyons fous - le Bonheur. Donc en invoquant les astres (ou les saints, pour les chrétiens) nos pourrions attirer sur nous les énergies desdits astres (les grâces des saints), sans que ces astres en eussent conscience (mais les saints, pour leur part, intercèdent). Et si Jupiter ou Saturne annoncent l'avenir (car nous autres, faibles créatures, nous restons soumises à la succession chronologique, le temps, et logique, la cause et la conséquece, ce que nous avons fait et ce qui nous retombe sur la gueule, c'est-à-dire tout simplement la morale), ce n'est pas qu'ils doivent immanquablement se produire, mais que de certaines causes résultent certains effets ; si cela ce se produit pas automatiquement, c'est que chacun de nous, d'une part possède sa nature propre (son "substrat"), réceptif ou non à ces ondes émises d'en haut, d'autre part est pourvu de liberté individuelle, de responsabilité, car astrologie ne signifie pas déterminisme, et nous avons été créés, nous les hommes, libres, car sinon, ce n'était pas la peine de nous avoir créés.

     

    L'inconvénient de ces théories rationnelles, ou du moins rationalisées, c'est qu'elles s'articulent difficilement avec une efficacité matérielle ou, plus modestement, pragmatique : les décoctions ou fumigations amazoniennes cèdent aux soins de la médecine occidentale et scientifique, et miracles ou effets placebo mis à part, nous serions curieux de savoir à quels moments la pensée magique, analogique, a pu se muer, ou muter, en pensée logique et scientifique. La raison n'est pas incompatibles avec la foi. Mais l'une et l'autre semblent procéder par sauts, par bonds, qui s'appellent des "hypothèses scientifiques", ou des "inspirations" d'origine mystérieuse, après tout. Par sauts, et non par contacts. L'univers comporte des sauts et des espaces, du risque. Et ce n'est pas en voulant améliorer la bougie que l'on est parvenu à l'électricité, d'où la nécessité absolue, messieurs les calculeux d'budget, de la recherche pure ! le rationnel, certes, mais aussi le mystérieux. Et même, risquons les gros mots : le passionnel, que dis-je, la psychologie ah quelle horreur. La colère, l'envie, ne procèdent pas du rationnel, "et il en va de même" nous dit Plotin, pour [les actions pratiques] déclenchées par les convoitises". Ainsi donc nous aurions nos caractères propres, sur lesquels cependant nous n'aurions pas toujours pouvoir de volonté. Nous avons été créés tels ou tels, et nous y pourrions très peu ; "le désir de s'occuper des choses politiques et celui d'être magistrats" (consuls, présidents) "sont déclenchés par l'amour du pouvoir qui est en nous"